Ker Asia Group
Astronomie
Épisode 1
Jang Yeong Sil
Pour mieux comprendre les allusions astronomiques qui interviennent ici et là dans l’épisode 1 du drama Jang Yeong Sil, il est intéressant de poser certaines bases de la tradition chinoise des constellations.
Au début de la dynastie Joseon, son fondateur le roi Taejo réorganisa les équipes en fonction au gouvernement.
Les astronomes de la précédente dynastie furent jugés incompétents et il remania le Bureau d’Astronomie, appélé Seoungwan, 서운관.
Après la disparition de la carte du ciel gravée sur pierre datant de l’époque Goguryeo (-37 à 668), qui était tombée dans le fleuve Taedong, une copie en fut retrouvée.
Et sur l’ordre du roi Taejo, ce Bureau établit une nouveau Planisphère Céleste prenant en compte les constellations de la tradition avec les rectifications calculées en fonction de leurs observations détaillées consignées des décennies précédentes.
Cet illustre planisphère, gravé sur une pierre noire, est connu sous le nom de Cheonsang yeolcha bunya jido.
Contrairement à la carte du ciel gravée sur pierre de Suzhou créée par les Chinois en 1247, le Cheonsang yeolcha bunya jido représente les étoiles de différentes tailles suivant leur brillance et contient un grand nombre d’informations astronomiques supplémentaires.
Son nom signifie « Carte des constellations et des régions qu’elles gouvernent. »
Il représente 1467 étoiles, et 283 constellations avec leurs noms.
Datant de 1395, il demeura la référence en astronomie de la péninsule pendant la dynastie Joseon et jusqu’à l’avènement des planisphères de l'astronomie occidentale au cours du XIXème siècle.
Il a aussi beaucoup influencé l’astronomie japonaise.
Le ciel est divisé en 4 espaces autour du pôle Nord céleste, associés chacun à un animal, suivant les 4 points cardinaux.
Ce sont les « Quatre Gardiens » :
Au Nord : La Tortue noire (ou Guerrier noir) ou Tortue-Serpent
Au Sud : Le Phénix
A l’Est : Le Dragon d’azur
A l’Ouest : Le Tigre blanc
Par ailleurs, la course de la Lune par rapport à l’Equateur céleste détermine un découpage du ciel en 28 secteurs, appelés « 28 maisons lunaires » (ou loges lunaires), celles-ci étant de tailles inégales.
Chaque espace des 4 animaux gardiens comporte donc 7 maisons lunaires.
Revenons maintenant à notre épisode avec cet extrait (mot de passe "su") :
Mais quelles sont donc ces 4 constellations que Jang Yeong Sil et son père identifient en Usu, Yeosu, Heosu et Wisu ?
Un arrêt sur image de la 2ème video met en évidence les constellations propres à la Tortue noire.
On peut y observer nos 4 constellations en question :
On peut alors repérer ces 4 constellations sur cette carte du ciel issue du Cheonsang yeolcha bunya jido, où figurent également les Quatre Gardiens :
Les textes d'astronomie chinoise nomment ainsi les 7 maisons lunaires de la Tortue noire
(de 8 à 14 parmi les 28 maisons lunaires) :
8/ 斗 Dou LE BOISSEAU
9/ 牛 Niu LE BŒUF
10/ 女 Nü LA SERVANTE
11/ 虛 Xu LE VIDE
12/ 危 Wei LE TOIT
13/ 室 Shi LA MAISON ou LE CAMP
14/ 壁 Bi LE MUR (de l’Est)
Dans la nomenclature traditionnelle, la première constellation de la maison lunaire porte le nom de la maison lunaire elle-même. Par exemple : La constellation du Boisseau désigne la première constellation de la maison lunaire 8 du Boisseau.
Nous avons maintenant tous les élements pour parfaitement identifier nos 4 constellations, avec leur correspondance en chinois et avec l'astronomie occidentale :
Le Bœuf, dans la 9ème maison lunaire
Nom chinois : 牛 Niu
Nom coréen : Usu
Correspondance avec des étoiles de la constellation du Capricorne
La Servante, dans la 10ème maison lunaire
Nom chinois : 女 Nü
Nom coréen : Yeosu (on trouve aussi Nyeosu)
Correspondance avec des étoiles de la constellation du Capricorne
Le Vide, dans la 11ème maison lunaire
Nom chinois : 虛 Xu
Nom coréen : Heosu
Correspondance avec des étoiles de la constellation du Verseau
Le Toit, dans la 12ème maison lunaire
Nom chinois : 危 Wei
Nom coréen : Wisu
Correspondance avec des étoiles de la constellation du Verseau et de Pégase
Si on creuse un peu plus cet épisode, il est surprenant d’arriver à une forme de contradiction.
Jang Yeong Sil signale la présence de l'étoile Altaïr au centre de la constellation d’Usu. Et effectivement, de nombreux textes parlent d’Altaïr à cet emplacement, notemment ceux qui se réfèrent à des légendes.
Or, d'un point de vue strictement scientifique, et avec un peu de recherche d’identification, on peut remarquer que l’étoile au centre n’est pas Altaïr, mais Dabih qui est l’étoile beta (la 2ème étoile la plus brillante) de la constellation du Capricorne.
Et on peut également situer Altaïr dans une autre constellation de l’astronomie chinoise, comme je l’ai trouvé sur cette carte, sur un site d’astronomie coréen :
On trouve des écrits qui mentionnent cette contradiction, mais sans pour autant en donner d'explication autre qu'une vision différente des étoiles : d’un côté la très ancienne tradition d’Asie relevant de légendes qui situe Altaïr dans la constellation Usu, et de l'autre côté la classification astronomique scientifique qui situe Altaïr dans une autre constellation.
Je ne pouvais pas passer sous silence cette observation, mais je dois bien reconnaître que cela me dépasse, sachant que si depuis des siècles Altaïr a été évoquée dans la constellation d’Usu, c’est sûrement pour une bonne raison.