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Quelques éléments
d'astronomie chinoise
Profitons des allusions offertes dans les épisodes de dramas pour faire connaissance avec certaines techniques traditionnelles de l’Asie.
C’est le cas de l’épisode 3 du drama historique 8 Days, qui se déroule sous le règne de Yi san, à la période de 1795.
Il s’agit d’un dialogue au sujet d’astronomie, en ces termes :
« - Comme je scrutais les cieux, une comète a frôlé Mercure,
affectant l'Enceinte du Palais pourpre…
- Si vous parlez de la Constellation pourpre,
ne représente-t-elle pas le Roi ? »
Mais qu’est-ce que signifie le « Palais pourpre » ?
Un aperçu sur l’astronomie enseignée par la tradition chinoise répond à la question.
Tout d’abord, il faut bien avoir à l’esprit que la nomenclature des étoiles et constellations chinoises repose sur la notion que tout ce qui se passe sur terre a son équivalent dans le ciel.
En effet, selon la tradition chinoise, l’homme est relié aux étoiles, et les rites ancestraux faisant appel à ces connaissances, en témoignent. Aux origines, il y a des millénaires, ces rites étaient d’abord agraires, pour assurer l’abondance des récoltes et la prospérité, donc la bonne survie du peuple.
Sur le plan social, les Chinois ont construit un découpage des étoiles en constellations à l’image du Palais Impérial et de son gouvernement.
Ainsi, les étoiles situées au pôle nord céleste, étoiles circumpolaires, représentent le Centre, c'est-à-dire l’Empereur et son Palais.
Plus on s’éloigne du centre, donc du pôle, vers l’écliptique, on trouvera des constellations nommées comme les titres hiérarchiques successifs sous les ordres du Palais Impérial.
En illustration, l’image suivante montre une représentation des étoiles du pôle nord céleste.
Le découpage des étoiles suit le schéma du Palais Impérial, à savoir une Enceinte et des Portes.
Ici, en bleu épais, l’enceinte du Palais, et en rouge la Porte Sud et la Porte Nord.
On est loin de la représentation des astronomes grecs (Grèce et Mésopotamie, inspiration de la mythologie) qui nous ont laissé l’astronomie encore utilisée de nos jours, avec un découpage actuel en 88 constellations. Par exemple Cassiopée, Persée, Andromède, Pégase, Orion, …
Pour différencier le découpage des étoiles par les Chinois de l’antiquité, il est de coutume d’utiliser le terme « astérisme » plutôt que constellation.
On notera toutefois que la constellation bien connue de la Grande Ourse est également un astérisme identifié par les Chinois, qu’ils voient comme le Char Impérial.
Il est situé en dehors de l’enceinte du Palais Impérial.
Pour revenir à notre Palais Pourpre, il faut entrer un peu plus dans les détails.
L’enceinte du Palais Impérial était découpée en 3 parties :
-le Palais pourpre (comprenant 37 astérismes) : ziwei. Demeure de l’Empereur du Ciel, lieu de réception des idées par l'Empereur pour gouverner
-l’enceinte de la Subtilité Suprême (comprenant 20 astérismes) : taiwei. Les membres du gouvernement s’y rassemblent. Gestion du gouvernement.
-l’enceinte du Marché Céleste (comprenant 19 astérismes) : tianshi. Lieu du peuple.Application pour les sujets.
Voilà donc identifié notre Palais Pourpre, il s’agit d’un groupement d’étoiles, situé non loin du pôle nord céleste, et faisant partie de l’enceinte du Palais Impérial.
Conformément à l’organisation sociale de la Chine ancienne, les astérismes chinois portent donc le nom des activités terrestres au sein et à l’extérieur du Palais Impérial : bureaucratie, conseillers, ministres, hauts dignitaires, concubines, militaires, cuisines, prison, …, jusqu’aux latrines.
En raison de la multiplicité de ces activités terrestres, certains astérismes ne comptent qu’une seule étoile, et on compte au total 283 astérismes pour la totalité des étoiles de la cosmogonie chinoise.
Nous avons ici évoqué la sphère céleste située près du pôle nord céleste, où se situe notre sujet.
Bien d’autres détails de l’astronomie chinoise peuvent être développés si l’on descend vers l’écliptique, et pourrait faire l’objet d’un autre article.
La civilisation chinoise a en même temps développé et utilisé un savoir d’interprétation des interactions étoiles-terre comme moyen de divination.
Ainsi l’astronomie ne relevait pas uniquement d’une observation du ciel, mais aussi de l’étude des interactions avec les événements terrestres.
Il s’agissait là d’une science appliquée officiellement par l’entourage de l’Empereur, au service de l’Empereur et de ses sujets. Des bureaux étaient consacrés à cette application, relevant des affaires de l’État.
Dans le drama coréen The Great King Sejong, de nombreux passages sont relatifs au Bureau d’Astronomie, car ce Roi avait très à coeur de développer cette section et il a dû se battre ardemment pour que vive cette branche, nécessaire au bon fonctionnement de l’État.