top of page
  • Ker Asia

1943 ou les prémices d'un nouvel ordre mondial apaisé


Conférence du Caire 22-26 novembre 1943

Occupant une place relativement marginale dans la Seconde guerre mondiale et quand bien même sous domination étrangère depuis le traité de 1910, la Corée n'a pas été véritablement le théâtre d’opérations d'envergure mais un réservoir de matières premières et de main d’oeuvre sur lequel le Japon n'a cessé de puiser pour étendre son empire depuis 1895. Or, ni la Corée du Nord et pas plus la Corée du Sud ne reconnaissent aujourd'hui la validité de ce traité dit de la honte qui leur fut imposé par la force, adossées en cela à un argument soutenu par la grande majorité de leur population. La péninsule n’était pas une colonie japonaise – qui suppose un développement matériel du pays dans une période de paix au sens juridique - mais une conquête militaire et donc un conflit sans discontinuer jusqu'en 1945 comparable à la Mandchourie avec le pillage des biens et la misère imposée au peuple. Le Japon ne serait donc pas en conflit avec la Corée depuis 1931 mais bel et bien depuis 1910 voire 1895 avec le renversement des Quing plaçant pour ainsi dire les Coréens directement sous la domination de Tokyo avec comme conséquence pour le Japon d’être le responsable tout désigné d'une agression que son gouvernement ne cessera de rejeter pour ne pas se voir affublé d'une image belliqueuse et impérialiste. C'est pourtant ce que l'opinion occidentale retiendra durant toute la durée de la Seconde guerre mondiale et surtout à la veille de la conférence du Caire tenue en 1943 du 22 au 26 novembre sur l'Asie et le Japon. Sous le nom de code ''Sextant'' et réunissant en Égypte le président américain Franklin Roosevelt, le premier ministre britannique Winston Churchill et Tchang Kaï-chek à la tête du gouvernement de la République de Chine et sans Staline toutefois en raison du pacte de neutralité sovieto-japonais de 1941, les trois puissances vont tenter de définir ensemble ce qui pourrait être un nouvel ordre mondial ''pour avoir pris conscience de l’état d'esclavage dans lequel se trouve le peuple de Corée et déterminées à ce qu'elle devienne libre et indépendante en temps opportun…'' tel qu'il est stipulé d’emblée dans les déclarations de la conférence parmi lesquelles figurent les clauses suivantes : le Japon doit être contraint par la force à une reddition sans condition et dépossédé des îles du Pacifique occupées à partir de 1914 de même que tous les territoires chinois occupés par ce dernier (îles de Taïwan et Pescadores) doivent être restitués à la Chine. Enfin, tous les territoires occupés en Asie par le Japon doivent être libérés par la force. Si la Conférence du Caire marque bien un tournant dans la Seconde guerre mondiale, en préparant pour ainsi dire le terrain à une après-guerre où les puissances en présence semblent vouloir arbitrer, c'est sans compter sur les visées plus lointaines de l'URSS qu'elle ne tardera pas à faire valoir - dans l'attente de trouver l’opportunité de briser le pacte de 1941 qui le lie au Japon pour cinq ans - en entrant le 9 Août 1945 en Mandchourie sous prétexte de libérer ce territoire et au-delà jusqu'au Nord de la péninsule coréenne en débarquant ses troupes. En attendant, la situation intérieure de la Corée continue de se détériorer à mesure que les positions japonaises du Pacifique s'érodent face aux Forces Alliées - anéantissement de la 18ème armée japonaise en Papouasie-Nouvelle-Guinée en Janvier - si bien qu'en 1943, la mobilisation des Coréens dans l’armée impériale jusqu’à présent dépendante du volontariat depuis 1938 va être transformée en régime général de la conscription pour garnir les différents fronts où on verra notamment ces jeunes conscrits servir dans des escadrilles de kamikazes sans compter l'envoi de millions d'hommes de la péninsule mobilisés comme ouvriers en Mandchourie, Sakhaline et au Japon et les jeunes filles arrachées à leur famille pour devenir des ''femmes de réconfort'' dans les territoires encore sous contrôle. Ainsi poussée dans sa politique d'assimilation du peuple coréen - Dissolution en Janvier 1943 de la Société pour l’étude de la langue coréenne. Interdiction de pratiquer la langue. Les Coréens sont invités à japoniser leurs noms de famille. Enseignement forcé du japonais dans les écoles dès 1941 - le Japon connaît donc un tournant important sur le plan militaire aussi puisque toutes les forces vives des territoires conquis seront, sous une forme ou une autre, étroitement intégrées à ses efforts de guerre même vivement combattus par des mouvements de résistance communistes en Corée et sur lesquels le gouvernement d'exil de Syngman Rhee, réfugié à Washington, s’appuiera pour obtenir le soutien et la libération du pays par les Forces Alliées. C'est ce qui se produira en septembre 1945 mais avec des conséquences inattendues sur le plan politique puisque non moins de deux gouvernements provisoires vont revendiquer la légitimité sur la péninsule (le nationaliste Syngman Rhee soutenu par les États-Unis d’Amérique et Kim Ku basé à Tchong-king avec son gouvernement provisoire de la république de Corée) tandis que les Soviétiques préparent l'installation de Kim Il-Sung à la direction d'un comité populaire dans leur zone d'occupation du Nord en prenant soin d’éliminer toutes les instances dirigeantes locales susceptibles de s’écarter de la voie tracée par son leader. Ainsi, les dés sont jetés dans la confusion la plus totale et par dessus les attentes et espoirs de tout un peuple qui ne s'attend pas à une situation pour le moins inédite venant de la part de leurs ''libérateurs'' car si libération il y a, c'est pour faire place à une autre confrontation qui conduira à la partition du pays d'autant que la question de l’indépendance de la Corée est différée dès le mois de Décembre 1945 par l'URSS, l'Angleterre, les États-Unis d’Amérique et la Chine. Ainsi, les vainqueurs de la Seconde guerre mondiale ont opté pour une mise sous tutelle de la péninsule pouvant aller jusqu’à cinq ans et à leurs seuls profits selon les termes de la conférence de Moscou.


bottom of page