Le film se termine par une photographie de groupe suivie par des témoignages de survivants. C’est à dire 23 sur 71 étudiants, transformés à cette époque, en miliciens pour défendre la ville de P’ohang-dong considérée alors comme un point sensible malgré le retrait des forces sud-coréennes. Ces dernières doivent se déployer sur un périmètre autour du fleuve Nakdong pour tenter de ralentir la marche de l’ennemi. Toute l’issue de la guerre pourrait en dépendre et dans ce choix pour le moins difficile – dans l’attente hypothétique des troupes alliées – aucun des jeunes gens n’a d’expérience dans le maniement des armes à l’exception d’un seul homme. Oh Jang-beom a servi comme auxiliaire dans l’armée, il y a encore peu, mais a-t-il l’étoffe d’un chef pour prendre la tête de la résistance malgré la charge que lui confie son supérieur…
Tiré d’une histoire vraie et assez singulière, ‘‘71 into the fire’’ nous ramène, de fait, aux premières heures de la guerre de Corée, placée sous le feu de la 5e division de l’armée populaire nord-coréenne – lors d’une offensive dans la province de Gyeongsang – et qui servira d’introduction dans ce film. C’est à dire, nettement en faveur des forces du Nord et dans des combats de retranchement quasi désespérés pour les Sud-Coréens avant leur repli forcé sur P’ohang-dong qui va se trouver en première ligne en quelque sorte. Tragique situation s’il en est, elle ressemble d’ores et déjà à une débâcle annoncée en ce début de conflit – qui aura duré 3 ans – que la péninsule inscrira d’ailleurs parmi les épisodes les plus sanglants de son histoire par la suite.
Fidèle à la chronologie des événements, il ne reste plus qu’à découvrir cette page illustrée par le cinéma et franchement héroïque – n’ayons pas peur des mots pour une fois – au regard du rapport de force disproportionné entre les parties, en présence, sachant que les miliciens sud-coréens n’ont pas la moindre l’idée de ce qui pourrait les attendre et dans une situation complètement improvisée quant à leur confier, ni plus ni moins, la défense d’une ville… Toujours est-il que la fibre patriotique dans de telles circonstances, est la seule aide possible et elle est effectivement assez forte pour ne pas dire aussi grosse qu’une corde de ring, dans notre film, pour permettre à chacun de trouver une raison d’écouter et suivre un chef – malgré quelques dissensions tout de même – aussi charismatique d’ailleurs qu’un sourd et muet répondant à un entretien d’embauche. Que peut donc faire Oh Jang-beom au milieu de ce chaos… ?
Défendre P’ohang-dong bien sûr mais pour cela, le spectateur devra patienter près d'une heure pour permettre à chacun de faire connaissance et surtout de se faire entendre d'un chef qui a pour double tâches, de faire rentrer les plus indisciplinés dans le rang, sans parler d’une forte tête qui semble vouloir lui compliquer la vie et peut-être après, se faire obéir. Ce qui donne grosso modo des séquences aussi palpitantes que l’organisation d’un camping par une bande de boys scouts et quant à l'ambiance qui ressemble à tout sauf à un préparatif militaire, il faudra attendre qu’une balle soit tirée, suivie de quelques escarmouches, en guise de prélude à une attaque nordiste, pour qu’enfin les choses sérieuses commencent. Aussi, ce qui devait arriver ne tardera pas à se produire et c'est là aussi que le bât blesse, non pas à cause des tirs des uns ou des autres mais bien de lui…
Pourquoi diable, le réalisateur John H Lee a-t-il cru bon de jouer de la fibre patriotique jusqu'à la caricature – du côté Sud-Coréen – sans parler de la fraternité d'armes qui semble lui échapper complètement pour essayer de rendre son histoire prenante. Faut-il aller aussi loin pour montrer qu'un retournement de situation, aussi improbable que ridicule, soit possible parce que la patrie est mortellement menacée ? Personne n’est obligé de partager son avis. C'est simple, quand un soldat n’est pas d'accord pour se faire tuer pour cette même patrie et surtout sous les ordres d'un chef dont il remet ouvertement en cause l’autorité, la seule issue est la désertion. Certes condamnable au regard de la loi militaire, elle ne surprendra personne quand d'autres auraient déjà hissé le drapeau blanc ou rendu les armes rien qu'à l'idée de faire face à une armée qui ne cesse de remporter victoires sur victoires. Mais voilà … l’amour des Sud-Coréens pour leur patrie est si grand que John H. Lee croit pouvoir tout se permettre.
Or, l'ennemi communiste est présenté avec la même finesse que la partie adverse et pour être surarmé qu'il est, son chef est de surcroît aussi convaincu de sa victoire qu'un seigneur certain de son pouvoir sur les masses y compris les pauvres petits Sud-Coréens qu’il va balayer d’un revers de main si tant est qu’ils aient une chance de résister. Pour excitant comme portrait, la curiosité du spectateur ne risque pas de s’exercer bien longtemps sur l’issue du combat et à force de théâtraliser le jeu d’acteur, John J Lee n’est parvenu qu’à rendre cet affrontement inéluctable bien peu crédible. En d'autres termes, il y a des limites à ne pas dépasser dans l'outrance car dans la lecture qu'il donne des événements, le parti pris adopté n'est pas que subjectif, maladroit ou manichéen, au pire, mais tout simplement indigeste tant le relent de propagande qui en ressort est flagrant.
Ceci est d’autant plus regrettable qu’avec moins de moyens et une réalisation plus sobre, il est parfaitement possible de montrer des choses plus intéressantes voire plus proches de la réalité et surtout d'éviter de dénaturer cette histoire héroïque, encore une fois, mais certainement pas grand-guignolesque. Autant un film sur la guerre peut être un magnifique hommage – c'est manifestement le sens voulu dans la démarche entreprise pour ‘‘71 into the fire’’ – autant le traitement cinématographique peut aboutir à un vulgaire spectacle, sans réel contenu, pour ne pas dire malsain dans la portée. Et quand bien même faut-il reconnaître que John H. Lee s’est appliqué à rendre la photographie percutante, est-ce suffisant pour qu’on puisse dire que son travail est digne des rescapés qu’il fait témoigner en générique de fin ?
Quant à tout considérer, disons qu’il n’y a hélas pas de valeur ajoutée dans cette façon de faire mais libre à chacun d’apprécier selon l’idée qu’il se fait de la guerre sur grand écran ou de la guerre grandeur nature tout simplement. Pour notre part, ‘‘71 into the fire’’ mérite quand même le détour rien que pour la singularité de l’histoire. Quant à celle avec un grand H, elle n’est pas faite que de grandes batailles, comme on peut le voir, et dans la catégorie film de guerre, le filon n’est pas prêt de s’épuiser mais ce n’est pas une raison pour se permettre toutes les libertés sauf à vouloir s’exposer au feu de la critique.
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