Depuis quelque temps déjà, les productions sud-coréennes reviennent régulièrement sur certaines pages d’histoire bien obscures de la péninsule, qu’il s’agisse de la guerre de Corée ou la colonisation japonaise. Il faut croire que les deux époques particulièrement douloureuses du pays n’intéressent pas que les historiens ou les médias car le 7e Art semble bien décidé à apporter sa contribution aussi - sous un angle artistique certes – sans pour autant occulter certaines questions d’actualité pour ne pas dire encore gênantes aujourd’hui. On se souviendra de l’épineux dossier qui embarrasse toujours le gouvernement japonais - malgré les actes officiels de repentance et les dédommagements matériels - sur les femmes dites de réconfort et certainement que dans un futur proche, d’autres questions embarrassantes ne manqueront pas de surgir. Parmi elles, on peut citer la torture organisée et dans une moindre mesure, l’exploitation des populations déplacées de force en Mandchourie voire même au large du Japon, pour soutenir l’effort de guerre de l’armée impériale. Moins médiatisée, si on peut dire, la question de la collaboration fait également partie d’un lot d’interrogations qu’il faudra aborder de front tôt ou tard, même si le sujet est certes moins brûlant en Corée mais particulièrement sensible quant à regarder le sort du pays dans ses frontières durant tout le temps de la colonisation japonaise et plus particulièrement entre 1941 et 1945. C’est à dire, au cours de la guerre dite du Pacifique qui sera en quelque sorte le point d’orgue d’une politique d’assimilation forcée des peuples soumis, quelques années plus tôt, à l’idéologie raciale de l’ère Showa. Ainsi, l’occupation d’un pays par la force n’entraîne pas toujours une résistance immédiate de la société, dans un premier temps tout du moins, de même que la collaboration d’une partie de la population avec l’occupant est souvent le fruit d’un comportement dicté par la nécessité impérieuse de survivre ou pour préserver des intérêts de classe, ce dont personne ne pourra contester le fait, quel que soit le degré d’implication des individus. Sur ce chapitre, l’histoire des pays occupés durant la Seconde guerre mondiale en Europe, n’est guère éloignée des Coréens mais pour des motifs différents. ‘‘Assassination’’ se propose donc d’aborder un tournant important de l’histoire de la péninsule pour évoquer une page de la résistance coréenne - encore embryonnaire en 1910 et idéologiquement divisée quelques années plus tard - et ce faisant, nous place d’emblée au cœur d’une trahison qui va être la trame du film dans lequel des jeunes gens venus d’horizons différents vont se croiser pour finalement se retrouver emportés, ensemble, par un même destin. Mais au-delà des actions armées, se jouent aussi des histoires personnelles que le scénario n’hésite pas à intégrer dans son écriture - moins pour l’enrichir que pour lui donner un supplément d’âme - parce qu’une guerre n’est de fait jamais anonyme. Derrière la violence, il y a avant tout des êtres humains et si beaucoup sont capables du pire, certains savent se dépasser aussi. Dans notre cas – bien que fictifs pour les faits et les personnages – l’héroïne en la personne de Ahn Okyun se voit doublée d’une vengeresse outre d’avoir pour mission, l’élimination du commandant de l’armée japonaise et un important homme d’affaires coréen, en cheville avec l’ennemi, qui s’avère être son père... Le tout se passe à Shanghaï, magnifiquement reconstitué, et pas uniquement au niveau du décor car du reste, l’atmosphère des années trente dans cette concession française - où on y parle français dans un court passage - est parfaitement restituée pour faire évoluer tous les protagonistes autour d’un thème cher aux Coréens, la Résistance aux Japonais sur fond de trahison et de collaboration avec l’ennemi. Il y a pour ainsi dire tous les ingrédients, certes explosifs, pour flatter la fierté nationale sauf que le film se veut uniquement divertissant, fort heureusement, et c’est sans doute pour cela qu’il connaît un si grand succès. Contrairement à bon nombre de films dits historiques, il a su éviter les travers assez courants du genre quant à exacerber une chose ou une autre voire caricaturer les personnages et même une situation, quand on ne tombe pas dans la propagande. Sans être parfait non plus, - le trait de certains personnages semble quelque peu forcé à l’instar des westerns d’Uncle Sam avec ses bons et ses méchants - ‘‘Assassination’’ est donc parvenu à donner un souffle épique à une histoire qui aurait pu être banale s’il n’y avait pas un soupçon de sentiment et beaucoup de nervosité dans l’écriture du scénario pour nous emporter dans une histoire d’assassinat bien prenante et forcément violente. Dans tous les cas, le cocktail est réussi et on ne s’étonnera pas que ‘‘Assassination’’ mérite largement son succès au regard du scénario très abouti sans parler de la magnifique photographie pour flatter le regard. Le tout file à toute allure pour se terminer par une sorte d’hommage rendue à la Résistance - incarnée par une poignée d’individus - et dans laquelle le commun des Coréens pourra se reconnaître. Soulignons enfin, la qualité de jeu de tous les acteurs et plus particulièrement de Lee Jung-jae dans le rôle parfait du traître sans remords ni scrupules et bien sûr, Gianna Jun dans celui du sniper converti à une noble cause bien malgré elle ? Il faut absolument voir ce très beau film...
Ker Asia
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