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Ker Asia

Ayla : La fille de la guerre


Film turc sur la guerre de Corée sorti en 2017

Que dire de plus ? Toute l’histoire est déjà dévoilée sur le Net, racontée en long et en large et certainement commentée abondamment dans son pays d’origine.


Mais avant d’allers plus loin, il faut rappeler que la guerre de Corée n’était pas que l’affaire des Coréens. Elle a impliqué la moitié du monde ou presque et dans un bras de fer idéologique inédit qui menaçait de n’être que les prémices d’une autre encore plus grande. Celui d’un embrasement général que rien ne pourra arrêter tant les enjeux dépassaient de loin ce petit pays - situé au carrefour de deux blocs opposés et qui vit déjà les menaces de scission - au lendemain même de sa libération par deux des plus grandes puissances du moment. C’est à dire les États-Unis d’Amérique et l’Union Soviétique derrière lesquels se rangeaient alors, nombre de puissance alliées des deux camps dont la Turquie - en ces derniers jours de juin 1950 - afin de contrer l’offensive surprise des communistes dans le Nord de la péninsule.


La suite de l’histoire est désormais connue comme le nombre de victimes que le conflit a fait au cours des trois années de lutte acharnée et des combattants qui sont tombés ou qui ont pu s’en sortir, il y a aussi des innocents, des gens qui ne demandent rien et que le destin versatile des armes a décidé ou non d’épargner. Ayla en fait partie et par le miracle du plus grand des hasards, c’est dans les bras d’un soldat turc qu’elle sera sauvée et trouvera bientôt refuge avant de devenir le cœur de cette histoire d’adoption qu’on voudrait croire unique, mais comme dans toutes les guerres hélas, il y en a certainement bien d’autres même si toutes ne sont pas connues sauf à les porter à l’écran ? Or, ce qui pourrait passer pour facile comme objet cinématographique ne l’est pas nécessairement. Le risque de tomber dans la facilité qu’entraîne toute forme de pathos dans pareille situation, est omniprésent et pour singulière qu’est l’histoire d’Ayla, on ne peut pas dire qu’elle soit extraordinaire non plus, à moins qu’il n’y ait autre chose ?


Aussi, ne nous attardons pas sur ce qui est déjà écrit sur ce film – merci à Wikipédia notamment et d’autres sites de l’avoir spoiler – pour ne retenir que la dimension humaine de cette histoire parce qu’il faut tout de même souligner une chose. Autant la face hideuse de la guerre peut montrer le plus abominable tréfonds de ce que nous pouvons être, autant cette même guerre peut révéler des comportements qui dépassent tout ce que l’on pourrait imaginer. Pourquoi ne retenir qu’une enfant parmi d’autres quand il y a tant d’orphelins jetés sur les chemins de la perdition parce que la haine de l’un pour l’autre est réciproque ? Pourquoi faut-il donc qu’un regard étranger s’arrête sur cette petite fille quand l’indifférence semble l’emporter sur tout ? Il y a assurément une raison qui ne relève plus du raisonnement ou du simple bon sens. Cela ne peut être que la raison du cœur face à l’innocence. Elle n’attend rien et ne demande rien.


‘‘Ayla’’ fait partie des histoires qu’on ne peut qu’aimer et contrairement à ce que l’on pourrait craindre, il ne verse pas dans l’exaltation des sentiments qui nourrissent ce genre de film à commencer par le soldat Süleyman dans ses relations attendrissantes avec elle. Ce n’est qu’une enfant que la guerre a jeté dans ses bras après tout et combien en reste-t-il encore une fois ? Tant pis, c’est sans doute le destin qui l’a voulu et nul ne sait quand ou comment elle se terminera du moment que l’enfant est protégée et par toute une brigade turque désormais ! Pour surprenant comme revirement de situation, le visage souriant de la fillette ferait presque oublier les horreurs de la guerre si ce n’est que des hommes sont venus pour combattre et un jour, quitter la péninsule pour rentrer chez eux, dans leur pays. Le Turquie est bien loin et les sentiments trop forts pour accepter cette autre réalité mais que peut-on y faire ? La séparation n’est plus envisageable voire impossible et le temps est maintenant compté.


Que faire effectivement, si ce n’est de regarder le film jusqu’au bout parce que l’histoire de ces deux êtres révèle tout simplement quelque chose qui nous dépasse. Elle est dans l’universalité d’une grande question qui est au cœur de leurs relations. Pourquoi sommes-nous à ce point attachés l’un à l’autre ? Faut-il une raison, un prétexte à moins que ce soit le destin ? La guerre n’explique pas tout, le hasard non plus parce qu’on ne décide de rien justement et encore moins de se connaître. Il n’y a peut-être pas de réponses à ces questions tout simplement. Les sentiments sont versatiles et échappent à toute forme de raisonnement mais ils n’échappent pas toujours à l’épreuve du temps. Il y des haines séculaires mais il y a des sentiments qui peuvent nous emmener au-delà de ce que nous sommes capables aussi, même s’il faut pour cela, affronter des réalités difficiles et s’accrocher à des souvenirs pour ne pas oublier et désespérer parce que le temps passe précisément...


Or, ce qui est éphémère ou aurait dû l’être, a dépassé tous les clivages dans leurs relations. Elles ont surmonté tous les obstacles et s’il faut trouver une explication dans cette histoire d’adoption et de retrouvailles, quelques décennies après la fin de la guerre, il n’y a qu’une seule réponse possible. Elle relève de l’inexplicable ou du mystère qui fait de nous ce que nous sommes quand on est capable d’aimer.


Notons enfin que le film comporte des scènes absolument émouvantes et si le dénouement est particulièrement poignant, il s’agit surtout et avant tout d’une histoire vraie. Il est donc inutile de souligner le remarquable jeu des acteurs, sans parler des dialogues toujours justes pour traduire cette page pleine d’humanité dont nous sommes capables encore une fois.

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