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Ker Asia

Cruel Palace, la fin d'une aventure...


Si je devais lister tout ce que j’ai pu faire dans le fansub, que ce soit dans l’ombre ou la lumière... pourtant, Cruel Palace est mon premier vrai projet. De Passion Rebelle au Club des Amis de l’Asie, il en a vu de toutes les couleurs, a connu mes hauts et mes bas, mes moments de doute, de lassitude… et c’est avec lui que j’ai fini par trouver « mon fansub » celui auquel j’aspirais depuis si longtemps. Autant dire qu’il représente une part importante de ma vie de fansubeuse…

Quand il est sorti en 2013, il n’intéressait personne. Alors qu’il arrivait souvent que plusieurs teams soient sur un même drama, quitte à se crêper le chignon parfois, celui-là semblait totalement délaissé. Pas de beaux gosses médiatisés, une concubine, un vieux roi qui le moins qu’on puisse dire n’a pas brillé dans l’histoire de Joseon, 50 épisodes… un sageuk qui n’avait pas la cote visiblement.

A l’époque, un site de référencement avait réservé une de ses pages aux dramas en attente de traduction. J’avais trouvé cette idée ingénieuse surtout pour les personnes comme moi qui n’avaient (ou ne prenaient) jamais le temps de fouiner. C’est là que Cruel Palace m’attendait et tout ce qui avait pu éloigner les teams de ce projet m’a immédiatement attirée... une histoire de femme diabolique qui tient tête à l’univers cruel des hommes avides de pouvoir. Sans me considérer comme féministe pour autant, c’est attirant pour une traductrice, non ?

Contrairement à Empress Ki qui retrace de manière très romancée la vie d’une concubine devenue impératrice, Cruel Palace est resté plus proche de la réalité historique… Epoque cruelle où l’on n’hésite jamais à exterminer tout ce qui constitue un obstacle au pouvoir, que ce soit une famille sur plusieurs générations, des parents aux nouveaux-nés, des serviteurs fidèles, des alliés devenus encombrants, des souverains soudain inutiles… la pitié n’a aucune place, seul le pouvoir compte. Certaines scènes sont très difficiles et même si vous ne voyez jamais directement l’horreur, elle est si bien suggérée que vous l’imaginez sans peine et finalement, c’est tout aussi percutant.

Durant 50 épisodes, je me suis demandé si Yam Jun, la diabolique concubine, était le bourreau ou la victime. J’ai eu pitié de cette femme sans éducation née d’une concubine, à qui on ne laisse pas d’autre choix que d’en devenir une à son tour. J’ai admiré son courage et sa ténacité face à l’adversité, je l’ai détestée, j’ai été bluffée par son incroyable force de caractère qui l’a aidée à se relever alors que tous pensaient l’avoir mise à terre…

Emouvante ou cruelle, pauvre victime ou cruelle stratège pour parvenir à ses fins, durant 50 épisodes, on ne sait pas trop quoi penser et on passe d’un sentiment à l’autre. On se demande qui pourra mettre fin à ses agissements, on veut qu’elle soit punie pour tous ses crimes mais quand ce moment arrive enfin, soudain la diabolique concubine s’efface.

L’histoire du Prince So Hyun et de sa famille m’a particulièrement émue. Ce prince héritier de la couronne, fils aîné du roi Injo, aurait assurément été un très grand souverain de Joseon car c’était un homme à l’esprit large, très ouvert sur le monde occidental, qui n’avait pas hésité à tirer le meilleur parti de sa vie d’otage en Mandchourie après la reddition de son père, plutôt que de pleurer sur son sort. Alors que le roi Injo n’a pas su dépasser l’épisode tragique de son humiliation, le prince So Hyun a tenté avec des idées novatrices pour l’époque, de faire avancer son pays.

Sans doute trop novatrices pour Joseon, trop profondément ancré dans ses traditions.

Quant au roi Injo qui me tapait sur le système tant je le trouvais faible, si peu à sa place et uniquement préoccupé par la bagatelle, j’ai fini par avoir pitié de lui. Lui non plus n’a pas été maître de son destin. Parachuté roi à la place de Gwanghaegun alors qu’il n’était pas destiné à l’être car il n’en avait pas l’étoffe, il n’a été qu’un pantin toute sa vie, que ce soit entre les mains de ses ministres avides de pouvoir ou de sa dernière concubine. Toute sa vie, il aura été manipulé et il restera pour l’histoire de Joseon un roi faible qui s’est incliné devant les chinois, de la manière la plus humiliante qui soit.

Oui, je pourrais noircir des pages rien que sur ce drama tant j'ai de choses à en dire, tant j'ai appris lors de mes recherches, mais je risquerais de spoiler et sans doute aussi, cet article serait tellement long que la plupart de ceux qui voudraient lire, auraient décroché bien avant. C'est bien dommage d'ailleurs qu'il n'y ait pas plus de personnes pour parler dramas après visionnage car le véritable échange est tout à fait possible sans s'appeler "Victor Hugo", ni même dévoiler l'intrigue. Il est vrai qu'il faut encore le vouloir. Comme j'envie les espaces d'échanges anglo-saxons pour leurs débats animés...

Cruel Palace m’aura donc fait passer par toutes les émotions sans compter toutes les difficultés techniques qui, même si parfois sont vraiment usantes, ont au moins le mérite de faire considérablement progresser. De là à dire que je suis satisfaite de mon travail… sans aucune fausse modestie, j’ai tendance à me dire que j’aurais pu faire mieux. Je n’ai pas la prétention d’être parfaitement bilingue car les études sont lointaines et à vrai dire, je me suis remise à la traduction en 2012 pour tenter de retrouver un peu l’aisance que j’avais en anglais... et je me suis prise de passion pour le fansub et la découverte du continent asiatique que je parcours aussi en musique avant de le faire en vrai.

En résumé, si je devais refaire Cruel Palace, je modifierais probablement certaines choses dans la traduction. De même, il a dû m’arriver aussi de laisser passer certaines coquilles car se corriger soi-même n’est pas aisé, même quand on a si souvent corrigé les autres. Voir les erreurs d'autrui est très facile mais quand il s’agit des siennes, on peut passer et repasser dessus sans rien voir car à force on devient aveugle. C’est pourquoi je le redis une fois encore, le poste de correction dans une team est primordial même si on est un traducteur chevronné. Ce poste est ingrat car trop souvent, on ne jure que par la traduction, épuisant parce qu’il faut tout contrôler pour que l’ensemble soit harmonieux, sans fautes, parfaitement synchronisé, avec une police qui ne tue pas la rétine !

Je crois que ce serait bien que vous spectateurs ayez toujours à l’esprit qu’il n’y a pas que la traduction dans une vostfr.

Aujourd’hui, je me lance dans une nouvelle aventure, aussi difficile voire éprouvante. J’ai besoin de m'enthousiasmer pour un projet et de me dépasser dans la difficulté car avant tout, c'est une passion que je dois vivre pleinement. Pour résumer, je pense à moi avant de penser aux autres et je dois dire que c'est assez nouveau car j'apprends tous les jours... Pour avoir déjà commencé la traduction, je pense que je vais être bien servie avec Eyes of Dawn, sur le sujet toujours d’actualité des femmes de réconfort sous l’occupation japonaise en 1943 et Seoul 1945, sur la guerre de Corée ayant abouti à la scission Nord-Sud.

Quoi qu'il arrive, quoi que je lise ici ou là, je continuerai tranquillement, sereinement, à mon rythme, selon mon temps libre et mes envies car désormais, c’est cela mon fansub…

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