A regarder de plus près, certains films dit historiques comme ''Dragon Blade'' comportent des détails qui laissent songeurs voire sceptiques quand ils ne font pas sourire tout simplement. S'il peut y avoir des maladresses commises dans des scènes d'affrontements par exemple - comme la manière de tenir un glaive romain ou se mouvoir tout harnaché comme on pouvait l'être dans une légion et connaissant le poids des équipements d'un fantassin de cette époque - parce qu'il faut bien satisfaire les besoins de l'action ce que d'aucun appelle des anachronismes, il y a aussi des réalités qui dépassent la fiction tant on peine à les imaginer il y a peu de temps encore. Il faut dire que le film situe l'histoire au cœur d'un débat qui est loin d'être clos dans la communauté scientifique sur la question des contacts entre les peuples notamment et ce film ne trouve rien de mieux que de provoquer la confrontation de deux civilisations. Dans notre cas, il ne s'agit plus de détails d'ordre visuel mais d'un véritable choc quand on voit face à face deux cultures que tout oppose et ce malgré l'étendue du territoire censé les séparer. Pourtant c'est bien ce qu'il s'est passé il y a plus de deux siècles avant notre ère sur un territoire où marchandises et hommes transitaient en empruntant un faisceau de pistes (elles reliaient Changan l'actuelle Xian à Antioche en Turquie) dont l'Occident se saisira plus tard pour lui donner au 19e siècle le nom de ''Route de la Soie'' avec tout le romantisme et le fantasme que cela suppose. Naturellement ces voies stratégiques étaient déjà très convoitées sous l’antiquité mais encore une fois cette fameuse Route de la Soie n'est qu'une désignation tardive et donc complètement étrangère à notre film pour parler d'un autre anachronisme moins visible cette fois-ci. Quoi qu'il en soit, la théorie d'une installation romaine en Chine a bien été formulée pour la première fois en 1955 par un professeur de l'université d'Oxford répondant au nom d'Homer Dubs. Celui-ci émit ni plus ni moins l'hypothèse d'une ville romaine fondée en 36 av. J.C. sous la dynastie des Han de l'Ouest (206 av J.C.-25 ap. J.C.) non pas aux confins de l'empire romain comme on pourrait l'imaginer, c'est à dire autour du bassin méditerranéen, mais bien en Chine. Surréaliste pour l'époque sans doute, la théorie du professeur n'attira aucune attention jusqu'à la découverte récente par des historiens d'une disparition mystérieuse de soldats romains après la bataille de Carrhae (Turquie) perdue par ces derniers contre les Parthes en 53 av. J.C. durant leur marche vers l'Orient, et qui sera confirmée plus tard dans un manuscrit Han acquis par une mission scientifique américaine. Ces soldats équivalant à une légion (6000 hommes) se seraient joints aux Huns comme mercenaires et auraient donc été capturés par l'armée Han, puis regroupés comme prisonniers dans une ville dénommée Liquian (aujourd'hui Zhelaizhai, dans le district de Yongchang, appartenant à la province du Gansu) et signifiant en chinois légion romaine... Il n'en faut pas davantage pour que les recherches de toutes natures s'activent sur le site en passant par des fouilles archéologiques, le recensement méthodique de la population locale par morphologie et des analyses plus poussées de leur anatomie. Ce qui en ressort, bien que non déterminant révèle d'emblée la présence d'ADN européen dans leur sang mais surtout et bien plus spectaculaire encore est le mode de vie même des habitants qui semble être un héritage direct des pratiques romaines de l’antiquité. De fait, les gens fabriquent leurs pains à la vapeur en forme de tête de bœuf, qu'ils appellent "nez de bœuf" et les utilisent par ailleurs comme offrande sacrificielle lors de la traditionnelle fête du Printemps chinoise. De même pour le bétail qu'ils font paître tout comme les Romains d'autrefois, ils aiment diriger leur troupeau avec le taureau en tête pour profiter d'éventuels combats. Quant aux traditions funéraires traditionnelles, la tête du défunt est toujours dirigée vers l'Ouest, faisant fi pour ainsi dire de la topographie des tombes ce qui est tout sauf chinois… Faut-il d'autres preuves pour parler d'un héritage complètement étranger à la sphère chinoise ? Une chose est certaine, des contacts ont bien été établis entre les plus grandes civilisations de l’époque à savoir l'Empire Romain, celui des Parthes et l'Empire Han de L'Ouest. Pour revenir à ''Dragon Blade'', on est face à un bon un film d'action et de distraction comme on sait en fabriquer aujourd'hui dans les studios quitte à se jouer de l'Histoire comme jadis les Péplums d'Uncle Sam avec moins d'effets spéciaux tout de même, mais ce qui subsiste malgré les libertés prises bien souvent pour les besoins du spectacle est parfois dans un étrange fond de vérité toujours palpable. Ne dit on pas d'ailleurs qu'il n'y a jamais de fumée sans feu ? Quand à Jackie Chan un peu moins bondissant certes mais toujours aussi à l'aise dans ce film, gageons qu'avec son armure en résine de synthèse, il saura gagner toutes les batailles du box office avec ou sans l'aide des centurions numériques...
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