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  • Ker Asia

Eyes of Dawn


Drama Sud-coréen de 36 épisodes. Diffusion du 7 octobre 1991 au 6 février 1992

La première impression qui se dégage du drama, est confirmée jusqu’à la fin s’agissant de la violence contenue dans de nombreuses scènes. Elle est certes montrée sous des angles différents, mais toujours de façon suffisamment appuyée pour que la force suggestive suffise à nous faire ressentir le dégoût qu’inspirent certains comportements – durant la guerre sino-japonaise de 1937 à 1945 notamment – et ce, jusqu’à l’insoutenable quand il s’agit de passer aux actes dans les premiers épisodes en tout cas. D’un point de vue strictement technique, la démarche cinématographique est remarquable dans l’approche et quant au développement du scénario, ‘‘Eyes of Dawn’’ se présente comme une suite d’événements qui se veut être fidèle – dans la chronologie tout du moins – à l’histoire d’un conflit qui a déchiré l’Asie, au cours de la Seconde guerre mondiale. Le drama commence par l’offensive des troupes impériales japonaises sur Nankin – dans lesquelles se trouvent des conscrits coréens, parce que depuis l’annexion de la péninsule par le Japon, la situation des jeunes hommes ne leur laisse pas le choix de toute façon à moins de préférer la collaboration, pour certains, quand d’autres ont déjà choisi la résistance – pour se terminer par un conflit armé entre Nord et Sud-Coréens alors que le pays venait à peine de retrouver sa liberté avec la victoire des troupes Alliées. C’est dire que dans cette entreprise pour le moins ambitieuse, le réalisateur Kim Seong-jong ne vise pas moins qu’à raconter les tourments que son pays a du traverser et bien que faisant appel à des personnages fictifs – mais pas uniquement puisque certaines figures tristement célèbres feront leur apparition tel le commandant Shiro Ishii de l’unité 731 mais sous les traits d’un acteur – et des documents d’archives pour illustrer son propos, le drama ne verse jamais dans une démonstration exacerbée des rapports de force, bien au contraire, au risque même de paraître aride par moment. Sobre voire même abrupte dans la mise en scène jusqu’à dépouiller les images de tout artifice, on est clairement dans une démarche qui se veut être informative avant tout mais sans ressembler à une leçon d’histoire non plus. Dans ce genre d’exercice, il n’y a donc rien de gratuit par conséquent et on pourrait presque y voir un véritable souci de pédagogie dans cette réalisation de 1991. C’est à dire bien avant que le cinéma coréen ne se saisisse de certains faits restés longtemps dans l’ombre pour en faire des films destinés à distraire une catégorie de public souvent friand de spectaculaire. ‘‘Eyes of Dawn’’ est une œuvre de fiction basée sur un contenu historique. Si la part de sentiments n’est pas négligeable – parce qu’au cœur de tout conflit, il y en aura toujours à l’échelle des individus – comme dans toute œuvre de fiction d’ailleurs, ils ne servent que de prétexte pour mieux immerger le spectateur dans l’environnement psychologique particulier qui domine dans de tels moments, d’autant que le sort de chacun est étroitement et assurément lié au destin versatile des armes. Or, si nous sommes face à du cinéma effectivement, ce drama est parvenu à dépasser le cadre formel des films de guerre pour aller au-delà de ce que le 7e Art a l’habitude de faire. Dans notre cas, il n’y a rien d’accrocheur ou de flatteur pour le regard, de même que les dialogues sont minimalistes. Si d’aventure fallait-il trouver une critique dans cette façon de montrer les choses, qui se résume à l’essentiel en quelque sorte, disons qu’à défaut de séduire, la lecture de l’Histoire que donne Kim Seong-jong sur son pays est proche d’un documentaire, sous bien des aspects, et ne pourra qu’interpeller tous ceux qui voudraient se pencher, un tant soit peu, sur le passé de la péninsule au risque de s’en effrayer au regard de tout ce que les Coréens ont pu endurer. Notons au passage que certaines questions sont toujours d’actualité, en Corée, comme le sort des femmes dites de réconfort et qui ne sont pas toutes issue de la péninsule d’ailleurs ou celles de la collaboration d’une partie de l’intelligentsia coréen avec le Japon sans parler de la scission du pays abordée dans la séquence finale. En d’autres termes et compte tenu de tout ce qui est traité dans ‘‘Eyes of Dawn’’, au cours de la période allant de 1937 à 1951, ce dernier peut être qualifié d’incontournable parmi les productions consacrées à la guerre sans être un raccourci du sujet, pour autant, dans la démarche de Kim Seong-jong. Aussi, ne sera-t-on pas étonné qu’en dépit de la réalisation (1991) assez ancienne maintenant et face à tout ce qui est montré, sur grand et petit écran depuis, il demeure ‘‘Le drama historique’’ pour les Coréens et qu’il faut sans doute regarder pour comprendre cette page contemporaine et tragique de la péninsule. Pour terminer, si les images semblent quelque peu datées – en comparaison avec tout ce que le cinéma propose aujourd’hui sur le thème de la guerre – et au risque de décevoir certains à cause de la colorimétrie, leur contenu demeure pertinent en revanche et ne peut que retenir l’attention pour la qualité de l’information véhiculée. C’est à dire dense tout en restant lisible, ce qui fait que même passé deux décennies après la diffusion du drama sur les chaînes de télévision coréennes, il y a de fortes chances pour que ‘‘Eyes of Dawn’’ suscite toujours de l’intérêt chez tous ceux qui veulent appréhender l’histoire de l’Asie au tournant du 20e siècle. Il s’agit en l’occurrence, d’un conflit qui n’a pas d’équivalent pour l’ampleur du désastre – même avec la Shoa en Europe à cette époque – et de surcroît, toujours vécu dans le subconscient de tous les Coréens comme une plaie ouverte et ce, jusqu’à la scission du pays. Dans ‘‘Eyes of Dawn’’, c’est aussi le regard d’un cinéaste jeté sur les décombres d’un monde sur le point de disparaître et une porte entrouverte sur un autre rempli d’incertitudes qu’il suggère en réalisant ce drama, encore une fois, remarquable en tout point.


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