Fatal est un film à regarder avec les précautions qui s’imposent tant pour la forme, le contenu et les propos tenus que la gravité du sujet traité. Bien que la trame de l’histoire soit dévoilée d’emblée dans le synopsis, il reste à savoir comment elle va être traitée par l’image.
La sobriété est manifestement l’un des points forts du film et retenue par le réalisateur pour montrer - dans un dépouillement presque obsessionnelle - des séquences difficiles si bien que la couleur des images semble complètement superflue la plupart du temps. Pour celui-ci, il s’agit d’aller à l’essentiel de telle sorte que la réalisation étonnamment économe sur les moyens – aucun effet visuel, éclairage naturel, musique de fond inexistante - se rapproche davantage d’un reportage que d’une démarche cinématographique.
Par la manière de diriger certains plans avec souvent la caméra à l’épaule, des arrêtés et rapprochés sur les visages - mais sans insistance - le réalisme en est que plus fort et le malaise diffus grandissant. Il est donc clair que le parti pris, loin d’être austère, ne mise pas sur des émotions gratuites mais sur des sentiments plus profonds développés tout au long du film.
Le dialogue qui vient soutenir naturellement l’image, en temps normal, est réduit au minimum dans le cas présent par la pudeur des protagonistes, pour certains, et par l’incapacité intellectuelle d’autres individus à voir dans l’autre un être humain à part entière. Le choc visuel ne suffisant pas, c’est aussi dans les échanges que la violence trouve également son champ d’expression comme pour rendre certaines scènes encore plus sordides.
Cette histoire qui est construite sur des non-dits et des blessures personnelles de gens ordinaires repose donc sur un viol enfoui dans le passé d’une victime, sauf que le temps n’effacera jamais un crime ni même le pardon ou la repentance. Le film explore pour ainsi dire un large éventail de thématiques liées aux conséquences d’un acte barbare que peuvent être l’irresponsabilité, la bêtise, la culpabilité, le remord, le repli sur soi et la souffrance intérieure avant que la vie ne reprenne le dessus, peut-être... Les conséquences tragiques d’un viol sont ainsi évoquées à demi-mots et décrites par le silence de la victime et le dénie des criminels avant que la vérité ne soit admise et la justice rendue par la prise de conscience.
Si certains films sont dérangeants par le sujet abordé, dans le cas de ‘‘Fatal’’ et au-delà des aspects insoutenables et inacceptables, cette réalisation a une indéniable valeur cinématographique – par le jeu impeccable et impressionnant de réalisme des acteurs – et surtout informative sur un fait de société, hélas courant, mais qui ne peut être banalisé ni occulté en aucun cas.
On ne peut donc que féliciter l’auteur de cette remarquable réalisation qui a toute sa place dans la production cinématographique, tous genres confondus, en plus d’être un authentique travail d’auteur.
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