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  • Ker Asia

Frères de sang


Film sud-coréen sorti le 6 février 2004. Titre alternatif : Taegukgi - Brotherhood Of War. Disponible en France en DVD

Selon le sens que l’on voudra donner à ce film ou pour le spectacle tout simplement, ‘‘Frères de sang’’ ne peut laisser indifférent surtout les sud-coréens qui en ont fait un énorme succès du box office mais pour des raisons qui ne doit certainement pas relever que du cinéma.

Sans évoquer le patriotisme exacerbé qui affecte souvent ce genre de production ces dernières années en Corée notamment, peut-il en être autrement au regard du nombre de victimes qui s’élèvent à plus de trois millions durant la guerre dite de Corée précisément. C’est à dire moins de trois ans entre juillet 1950 et septembre 1953 qui marque la fin des hostilités et la partition de la péninsule, en deux États, jusqu’à aujourd’hui.

Comme toute réalisation qui aborde donc un conflit et quel qu’il soit d’ailleurs, celle-ci se doit de montrer des scènes de bataille et dans le cas présent, il est clair que Kang Je-Gyu n’a pu s’empêcher de lorgner du côté de Steven Spielberg pour ce qui est de la démarche tant il est proche sur le plan technique tout du moins mais sans pouvoir égaler le fameux ‘‘Save private Ryan’’ pour le charisme ni la dimension humaine quant à parler de tragédie ramenée à l’échelle de l’individu dont il en fait pourtant le propos dans son film.

Cela reste toutefois ambitieux comme entreprise et heureusement lisible pour ce qui est du scénario voire même prenant pour le style d’écriture adopté. C’est à dire nerveux sans que les dialogues soient négligés bien au contraire mais est-ce suffisant pour espérer en faire un grand film digne de Spielberg pour parler d’une guerre un peu oubliée de nos jours ? Il y a certes une histoire solide à la base voire classique mettant en scène deux frères qui finiront par s’opposer et finalement s’affronter sauf que le manichéisme un peu trop marqué finit par agacer quelque peu à force de ne voir qu’un aspect du conflit - forcément à l’avantage des sud-coréens agressés – sans qu’il y ait un mot sur les raisons alors que les questionnements des soldats sur leur sort ou les raisons de se battre sont par moments fort pertinentes.

L’ennemi d’hier - le Japon jusqu’à sa défaite en août 1945 – a de fait cédé la place à un autre qui n’est rien de moins qu’un voisin ou le cousin voire le frère à cause ou pour des choix idéologiques différents mais sur lesquels ‘‘Brother in arms’’ a préféré faire l’impasse pour mettre en valeur la fibre sentimentale des protagonistes. Il est vrai que dans une guerre, on ne perd pas que sa propre vie quand ce n’est pas celle des êtres aimés, sauf que le ton pathétique pour l’évoquer finit, là aussi, par agacer. Disons que cela se tient quitte à patauger un peu à défaut de comprendre le comment ou le pourquoi de cette entrée en guerre soudaine du frère nord-coréen...

Ceci étant, le plus gênant est dans le retournement de situation consistant à opposer deux frères quand bien même peut-on comprendre que s’accorder sur tout et surtout sous les balles de l’adversaire communiste n’est pas aisé mais de là à faire basculer l’un d’eux dans le camp ennemi est idéologiquement parlant peu crédible et c’est là que le bât blesse. Comment peut-on être aussi proche pour ensuite ne plus reconnaître les siens aveuglé par la haine ou l’idéologie ? Sur ce point, il y a ambiguïté à moins que cette idéologie rende aveugle et ce n’est pas l’excuse de la vengeance personnelle qui rendra la situation plus crédible ou faire revenir les morts.

Quoi qu’il en soit, le parti pris d’insister sur la violence jusqu’à l’écœurement – par des plans on ne peut plus réalistes jusqu’à maculer de sang l’objectif de la caméra par moment – n’explique rien sur le début de cette guerre fratricide ni pourquoi elle a conduit à la séparation des familles entre nordistes et sudistes quand ce n’est pas l’anéantissement totale de certaines. Si ‘‘Frères de sang’’ a bien fait mouche en attirant le regard du spectateur - pas nécessairement en quête de spectaculaire- il a clairement manqué le coche aussi en négligeant l’aspect humain qui ne saurait s’arrêter à des pleurnicheries ni même des actes de bravoure.

Sur ce point, la séquence finale laisse sur la faim pour ainsi dire avec un rien de pessimisme sur l’avenir des deux Corée alors que ‘‘Save private Ryan’’ invite à la réflexion tant il est limpide dans sa démarche et s’il parle de la mort, c’est pour mieux célébrer la vie en réalité quitte à passer par des sacrifices pour construire un monde meilleur. En d’autres termes, ce n’est pas pour demain qu’on verra un film aussi abouti que celui-ci mais on peut toujours voir en ‘‘Frères de sang’’ un vigoureux plaidoyer pour la réunification du pays et à ce titre, le réalisateur est certain de remporter un vif succès auprès de ses compatriotes sud-coréens...


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