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Ker Asia

Kekexili


Film chinois sorti le 1er octobre 2004 et le 25 janvier 2006 en France

Plusieurs fois récompensé par les jurys internationaux, ‘‘Kekexili’’ le mérite certainement ne serait-ce que pour le sujet traité. Il faut dire aussi que d’un point de vue cinématographique, l’histoire se prête bien quant à raconter les vicissitudes de la vie en montagne et qui plus est dans une région peu connue. Il s’agit du plateau Qinghai-Tibétain où on ne peut trouver qu’une race d’antilope vivant à plus de 5000 mètres d’altitude. Cette dernière est réputée pour sa peau dont on en tire une laine particulièrement appréciée en Occident puisqu’on la retrouve transformée en écharpe de luxe appelée shahtoosh. Mais derrière cette image anodine, la réalité est parfois cruelle d’autant que la chasse à outrance et à des fins bassement mercantiles de ces antilopes constitue pour des chasseurs locaux une source de revenus non seulement incontournables outre d’aiguiser leur cupidité toujours plus grande. Aussi, ne peuvent-elles échapper au braconnage d’autant que ces chasseurs participent directement à la destruction d’un écosystème fragile sans parler de la menace d’extinction qu’ils font peser, à terme, sur ces animaux. Or, la question ne s’était pas encore posée sur le sort des antilopes tibétaines jusqu’à ce qu’un photographe, bien décidé à révéler l’ampleur du désastre, porte l’affaire devant les médias à la suite d’événements qui ont marqué la région du Kekexili au cours des années 1993-1996. A la manière d’une rétrospective et en guise d’hommage aux défenseurs de la cause animale en quelque sorte, le film ‘‘Kekexili’’ rend ainsi compte de ce qui s’est passé à cette époque avant que le gouvernement chinois ne décide de faire du plateau Qinghai une réserve protégée. Mais avant cela, il a donc fallu compter sur la détermination d’une poignée d’hommes et le témoignage d’un photographe pour que la cause des antilopes soit enfin entendue et c’est ce que le film de Lu Chuan se propose d’illustrer. C’est-à-dire avec une démarche d’auteur – au sens propre du terme – et dans la manière la plus dépouillée possible, d’aller à l’essentiel, pour raconter au mieux la vie des hommes qui se sont constitués en patrouille. Leur but est de traquer les braconniers à leur tour, en espérant pouvoir les arrêter, mais sans le soutien de la loi et pour cause. L’impunité est totale en ces lieux et la vie d’un homme ne vaut guère plus qu’une antilope pour les trafiquants. Que faire ? Tel un leitmotiv, la question revient tout au long du récit pour alimenter la thématique du film – qui repose sur le rapport étroit de l’homme à la nature – sachant que le sous-équipement des patrouilleurs est un véritable problème quand il faut de surcroît affronter une nature hostile. Ainsi posée, il ne reste plus qu’à donner corps à cette histoire par le truchement du 7e Art et il faut dire que l’entreprise n’est pas sans difficulté. Disons qu’indépendamment des moyens matériels, il est possible de privilégier l’aspect humain de cette histoire d’hommes et de braconnage à grande échelle mais avec le risque aussi de tomber dans le sensationnel avec tout ce que cela comporte de débordements émotionnels dans notre cas. A l’inverse, le souci de vérité ou d’authenticité peut rendre la lecture des choses plus rugueuse pour ne pas dire aride et quant à considérer l’une ou l’autre, il semble difficile de faire autrement que Lu Chuan en définitive. Sa réalisation est tout simplement proche d’un documentaire dans l’approche et les méthodes car au fil de l’histoire, on comprend vite que ce choix ne pouvait que s’imposer parce qu’il s’agit ni plus ni moins d’un témoignage en images. Par conséquent, il n’y a aucune mise en scène, les dialogues sont réduits à l’essentiel et le cadre vertigineux mais combien grandiose du Qinghai invite tout simplement à retenir son souffle pour écouter le vent, les voix de ceux qui se perdent au milieu de nulle part et la mort que chacun peut rencontrer en chemin, à tout moment, quand elle ne prend pas la forme d’une balle tirée par un trafiquant. Abrupt dans le style d’écriture et d’une surprenante profondeur dans l’expression picturale, ‘‘Kekexili’’ est sans conteste un beau travail d’auteur apprécié à juste titre, par les critiques, non seulement pour le sujet mais pour le résultat également. Sobre, sincère et touchant par moment comme toute chose montrée dans le seul but d’informer, on pourrait tout au plus s’interroger sur le fait que le réalisateur n’ait pas choisi le noir et blanc pour raconter cette histoire. La puissance visuelle qu’offre la nature ne perdrait pas de sa magnificence bien au contraire et quant à l’homme ramené à sa juste place, son rapport aux éléments n’en serait que plus expressif.


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