Qu’il s’agisse d’une lutte pour le pouvoir ou de la reconquête du pouvoir, la trame de ‘‘Kingdom’’ est somme toute classique et même commune à pratiquement tous les sageuk à ceci près. Ce royaume se démarque de tout ce qui se fait dans le genre, jusqu’à présent, à l’exception du film ‘‘Rampant’’ - sorti en 2018 dans les salles obscures de la Corée du Sud – qui le rejoint sur bien des points.
C’est à dire que tout dans ce drama – écrit par Kim Eun-hee – se déroule dans un rapport de force puisque l’histoire s’appuie sur un complot, pour thème principal, et au cours d’une période qui voit Joseon tout juste sorti d’une guerre d’invasion japonaise (menée contre la péninsule au cours des années 1592-1598) mais pas seulement.
On peut donc imaginer le pays exsangue, après une telle épreuve, et en proie à des rivalités installées au cœur du pouvoir, d’autant que le roi ne se montre plus depuis un moment car il serait officiellement malade, dit-on dans son entourage. Misère du peuple, un monarque que plus personne ne peut approcher pratiquement, l’autorité royale menacée dans les provinces lointaines par un puissant clan, il n’en faut pas davantage pour qu’un épais mystère envahisse tout sans parler d’un mal inconnu qui ne tarde pas à montrer son visage à travers les morts…
Et ce sont bien eux qui vont insuffler un vent de terreur dans ce sageuk d’un nouveau genre parce qu’il est non seulement horrifique voire gore, par moment, mais que tout semble découler d’un pouvoir vacillant dont le peuple en est victime, avant tout, et avant qu’il ne se retourne contre ce même pouvoir sous la forme la plus effrayante. C’est celle de la misère et de la maladie qui finiront par tout gangrener jusqu’à la mort sauf dans ‘‘Kingdom’’, le spectateur se trouve rapidement plongé dans le royaume de ceux qui en reviennent pour dévorer les vivants sans distinction.
Amateurs de frissons, vous serez comblés sans nulle doute, surtout que l’intrigue est nullement submergée par un excès d’hémoglobine bien au contraire. Tous les protagonistes ont leur importance dans la construction de l’intrigue de même que les motivations des uns et des autres sont parfaitement lisibles dès le début. A commencer par le prince – Ju Ji-hoo alias Lee Chan – légitimement héritier du trône et dans sa quête pour reconquérir sa place ou au contraire à la défendre, pour l’usurpateur. En l’occurrence, il s’agit du plus retors des personnages – Kim Hye-jun – incarnée par la reine, épouse du roi en seconde noce, et prête à donner naissance à un probable prince...
Mais dans ce conflit de pouvoir, la lecture que donne Kim Eun-hee – le scénariste – de la société, au temps de Joseon, ne manque pas de pertinence dans le sens où l’incurie de l’État, le poids de l’appareil politique et les lourdeurs administratives qui en découlent, conduisent souvent au mépris et à l’abandon du peuple quand il n’est pas réduit à la famine voire terrorisé par ses propres dirigeants sous couvert de ramener un ordre forcément injuste. En cela, l’écho qu’il donne en filigrane à cette histoire est étrangement actuel – dans un cadre pourtant historique – avec l’époque que nous vivons.
C’est pourquoi, ‘‘Kingdom’’ est un drama non seulement original pour le mélange entre horreur, thriller, drame politique et histoire - outre de bénéficier d’importants moyens pour les costumes et la reconstitution des décors – mais il est surtout intéressant à suivre pour la problématique du pouvoir développé dans ses relations avec les petites gens. Ces dernières ont les dents décidément bien aiguisées, dans ce royaume, au point qu’il ne faudra pas manquer la saison 3 pour connaître le dénouement à moins d’être dévoré vivant bien avant.
Notons enfin, la qualité de la photographie qui laisse la part belle à la lumière naturelle pour davantage de réalisme en rendant ce ‘’Royaume’’ encore plus effrayant pour ainsi dire.
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