L’exotisme ne fait pas tout. Il faut quand même s’accrocher à l’histoire qui s’annonce comme un long fleuve tumultueux. Que dire à l’issue des 152 mn de visionnage ? Soit le film est trop long ou trop court parce qu’on peut se poser la question sur l’approche du réalisateur (Chatrichalerm Yukol) quant à raconter, ni plus ni moins, la vie du futur roi Naresuan alors que cette première partie ne fait que relater son enfance...
Certainement que ce personnage historique mérite que le 7e Art lui consacre un film voire plusieurs films – surtout pour le public thaïlandais – mais après réflexion, on ne peut s’empêcher de s’interroger. Chatrichalerm Yukol ne pouvait-il s’y prendre autrement ? Aussi ambitieux soit-il, la réalisation d’un long métrage n’est guère éloignée d’un livre et selon l’importance qu’on accorde au sujet, il s’agit pour le rédacteur d’aborder tous les aspects possibles surtout dans une démarche biographique. C’est pour cette raison que l’écriture – au sens propre du terme – d’un scénario est déterminante si on veut intéresser le public un tant soit peu, indépendamment des moyens matériels et humains mis en œuvre.
Entendons-nous bien. Au travers de l’écriture scénaristique, il s’agit bien d’expression assimilable à une rédaction afin de rendre les choses non seulement intelligibles mais attractives aussi dans le cas du 7e Art. Autant dire que l’exercice est toujours délicat et hautement périlleux pour ne pas trahir l’Histoire dans le cas présent. En d’autres termes, restituer une histoire vraie, par l’image, suppose qu’on s’efforce d’être le plus exhaustif possible ou qu’on se contente de faits saillants à moins de privilégier quelques aspects seulement. C’est ce qui sépare la spécialisation de la vulgarisation même si tout est recevable du moment que l’on sait ce que l’on veut.
Or, Chatrichalerm Yukol semble avoir perdu cette notion de vue à vouloir bien faire certainement et si on ne peut lui reprocher d’être précis – dans la présentation des personnages par exemple – le fait de prendre son temps pour dérouler, pas à pas, le scénario de façon presque scolaire à moins que cela ne relève de la pédagogie à ses yeux, finit par nuire au rythme qu’il aurait fallu privilégier pour retenir l’attention du spectateur tout simplement. N’oublions pas qu’il s’agit de cinéma et non d’un documentaire-fiction. Le but est d’intéresser le spectateur et non de l’ennuyer ou le faire tomber dans un profond sommeil à force d’encombrer le film de détails pas toujours utiles quand ils ne finissent pas par l’emporter sur l’intrigue ou l’action alors que les scènes de combat sont plutôt bien faites. Ces dernières ne servent trop souvent que de raccords d’ailleurs parce qu’il y a effectivement des alliances et des retournements d’alliances mais fallait-il les réduire à des scénettes ?
Quoi qu’il en soit, et en dépit d’une impression laborieuse qui se dégage de cette première partie, on peut dire que cette réalisation de Chatrichalerm Yukol est ambitieuse d’emblée au regard de sa volonté manifeste de ne rien négliger sans parler des moyens mis en œuvre dans cette entreprise. Tout cela est donc fort louable dans l’absolu mais encore une fois, un film intéressant pour ne pas dire bon est affaire de compromis avant tout et si d’aventure il fallait approfondir davantage le sujet ou s’en tenir à cette lecture, déjà bien fouillée, le choix de faire un drama – non limité dans la durée par nature – semble plus pertinent qu’une trilogie. C’est juste une question de bon sens ou de budget.
Pour conclure sans être trop sévère, disons que sur le plan visuel, le film en met plein la vue pour la splendeur des décors et des costumes même si la photographie souffre d’une colorimétrie trop appuyée et curieusement terne à la manière des productions d’antan alors que les dorures ne demandent qu’à briller. On en voit d’ailleurs partout au risque de rendre le film clinquant mais il faut croire que le faste de cette époque ne recule devant rien. Quant à la qualité des dialogues, elle se situe à un niveau honorable et le jeu d’acteur est globalement correct même si on peut regretter un certain académisme. Aussi, ne reste-t-il plus qu’à voir la suite en espérant qu’elle saura emmener le spectateur au-delà de la simple lecture linéaire et appliquée des événements sachant que le cinéma peut être distrayant et instructif à la fois – surtout quand il s’agit d’illustrer le passé – encore faut-il trouver le bon équilibre pour y parvenir.
C’est d’ailleurs le seul gros défaut, mais de taille, qu’on pourrait trouver à ce film outre l’histoire qui se situe aux antipodes de ce qu’on a l’habitude de voir sur l’Asie. Quant à faire connaître cette page de l’Asie de Sud-Est, par le truchement du cinéma notamment, il semble que la vulgarisation reste encore la meilleure formule quitte à revenir ‘‘dans le détail ultérieurement’’. Les Coréens l’ont bien compris avec leurs sageuk de plusieurs dizaines d’épisodes indépendamment de ce que le circuit commercial fait avec les mêmes personnages (Yi Sun-sin par exemple) et situations.
Notons enfin que l’initiation à l’art de la guerre du jeune Ong Dam et futur roi Naresuan – Prince noir pour la signification – par un moine bouddhiste est assez étrange. Celui-ci ne manque d’ailleurs pas de citer Siddhartha Gautama quand on sait que ce prince du Népal est devenu Bouddha pour avoir atteint l’Éveil par la sagesse...
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