Dans la logique du 1er volet consacré à Naresuan – C’est à dire depuis son enfance passé en otage à Pegou, sous la surveillance du roi birman Bayinnaung de Hongsawadi, avant que le jeune homme ne devienne roi de Phitsanulok - on ne sera pas surpris, pour le contexte, dans cette suite toujours aussi mouvementée et haute en couleur. Ça brille de tous les feux pour les décors de palais, des pagodes et des costumes à tel point que le réalisateur a cru bon de filtrer manifestement ses images encore une fois. Bien étrange parti pris esthétique décidément, la colorimétrie du film s’en trouve du coup fortement dégradée par une teinte jaunâtre guère flatteuse. Pourtant, ces mêmes images auraient certainement gagnées à être préservées en l’état, parce que le cadre est tout simplement somptueux et sans que le réalisateur, scénariste, producteur Chatrichalerm Yukol et prince de surcroît – selon une biographie dressée par Wikipédia – n’ait besoin de recourir à des artifices numériques comme c’est le cas dans de nombreuses réalisations dites à grand spectacle pour flatter le regard du spectateur. C’est d’autant plus regrettable que nombre de scènes se déroulent dans une grande obscurité et ne parlons pas des combats livrés, parfois, en pleine nuit avec un risque de décrochage visuel pour le spectateur frappé de myopie ou simplement découragé pour les plus rétifs à la langue – le thaïlandais – pour peu que l’histoire demande un peu de concentration pour ne pas se perdre dans le jeu d’alliances et de retournements d’alliances propres à toutes les luttes de pouvoir. En l’occurrence, il s’agit pour notre héros Naresuan - mais pas que lui dans le film puisqu’une autre figure, en la personne du seigneur Rachamanu du royaume de Phitsanulok, s’illustrera à ses côtés sous le nom de Binthing – d’affronter le royaume birman de Hongsawadi. Il va sans dire qu’intrigues et complots ne manqueront pas de pimenter cette trilogie inspirée des ‘‘Chroniques royales d’Ayutthaya’’. Elles rapportent qu’en 1581, après la mort du roi birman Bayinnaung, Naresuan a été prié par son père d’assister au couronnement de son successeur le roi Nondabayin, qu’il appela ‘‘notre souverain’’. C'est à cette occasion aussi qu’il profita pour lui dire qu’un refus équivaudrait à une déclaration de guerre ce que Naresuan constatera, de lui-même, durant la cérémonie de couronnement puisque la ville de Khang, en refusant tout acte d’allégeance va provoquer contre elle une expédition punitive, et permettre à notre héros de montrer ses talents de stratège sous le regard admiratif et jaloux des Birmans. Mais comme un affront ne suffisait pas, le royaume d’Ava veut également faire sécession... Ce qui signifie clairement qu’un affrontement est inévitable pour Nondabavin d’autant que celui-ci compte sur son stratège Naresuan, pour la bataille qui s’annonce, mais peut-être pas pour la victoire sachant que ce dernier n’a pas oublié ce que son père lui a dit à propos d’Ayuttahia tenu en esclavage par les Birmans… Tout est donc dit ? Oui pour les grandes lignes et non pour ne pas spoiler ce deuxième volet, encore une fois, richement illustré. Si la lecture de l’histoire qu’en donne Chatrichalerm Yukol, est très appliquée et certainement fidèle aux chroniques, dans sa volonté d’être précis, son film semble manquer de souffle en revanche, ou d’inspiration voire peut-être même de relief sans que cela soit péjoratif et sans le comparer à ce qui se fait de nos jours en terme d’actions non plus. Et c’est parce que c’est un film historique et d’actions violentes - il y a peu de temps mort entre les corps embrochés ou décapités quand ils ne sont pas déchiquetés par les boulets de canons qui tonnent comme un orage d’été sous un climat tropical… - précisément, on serait tenté de dire que cela ne suffit pas de lire une page d’histoire mais qu’il faut savoir la raconter avec d’avantage d’émotions pour ne pas dire de passion pour donner envie d’écouter et à fortiori de regarder un film de plus de 150 mn. En d’autres termes, ce deuxième volet ne souffre pratiquement d’aucun défaut qui entache parfois des réalisations plus prestigieuses et couronnées par le box office si ce n’est qu’il a la faiblesse de ses qualités. C’est à dire qu’il est très bien fait - indépendamment des moyens quasi hollywoodiens que s’est donné Chatrichalerm Yukol – mais qu’il est très linéaire aussi dans le déroulement de l’intrigue et ce ne sont pas les scènes de bataille, spectaculaires certes, qui en feront un film incontournable dans l’esprit d’un cinéphile sauf pour les Thaïlandais peut-être. Mais est-ce si important après tout quand il s’agit de divertissement ? Cette page s’inscrit dans l’histoire de la Thaïlande à une époque de consolidation du royaume d’Ayuttahia (qui deviendra le royaume de Siam) - face à l’empire birman et comme dans bien des civilisations, avant qu’une nation ne s’en dégage d’ailleurs, il faut sortir l’épée pour la forger. Dans notre film, il s’agit d’un mousquet capable d’atteindre sa cible à une distance insoupçonnée... Pour conclure et compte tenu de toutes ces considérations, essentiellement techniques, ‘‘La légende du roi Naresuan 2’’ mérite le détour pour ceux et celles qui aiment l’Histoire ou les films à grand spectacle avant tout. Et bien que cette réalisation de Chatrichalerm Yukol date de 2007, notons que sa démarche n’est pas sans rappeler celle qui prévalait il y a 30 ou 40 ans quand le numérique n’existait pas et que la mode du pathos, à tout va, ne devienne envahissante à l’instar de la production coréenne pour ne pas la citer. Quoi qu’il en soit, l’accession à la souveraineté de Naresuan et du pouvoir qu’il en tirera supposent logiquement un troisième volet qu’on espère toujours aussi beau et pourquoi pas épique ?
Ker Asia
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