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Ker Asia

Les raisons d'un crime institutionnalisé


Femmes de réconfort chinoises et malaisiennes dans les îles Andaman en 1945

Femmes de réconfort chinoises et malaisiennes dans les  iles Andaman en 1945

C'est un crime d'une ampleur sans équivalent dans l'histoire et resté longtemps méconnu commis par une armée d’occupation entre 1931 et 1945 faisant près de 200 000 victimes selon les estimations. Derrière une appellation, se cache une vérité que même ces dernières n'osaient pas évoquer au lendemain de la guerre et plus tard, durant 60 ans, tant elle est abjecte s'agissant de la population civile séquestrée, exploitée et violée car parmi elle, se trouvaient des femmes qui deviendront pour l’armée impériale japonaise des ''femmes de réconfort''.

Pourtant le phénomène n'est pas nouveau et n'a pas attendu l’entrée en guerre du Japon car le viol se pratiquait déjà dans l’Antiquité sauf que son organisation et plus tard son institutionnalisation n'ont jamais été aussi développées durant la Seconde guerre mondiale. Officiellement, l'installation des maisons dites de réconfort sur tous les territoires occupés par le Japon répondait au besoin de juguler le développement des maladies vénériennes, suite aux viols massifs perpétrés par les soldats et aux réactions d’hostilité croissante qu'ils suscitaient au sein de la population, en même temps que s'organisaient des mouvements de résistance locaux à l'occupation.

Ayant conscience de la nécessité absolue de contrôler le comportement des hommes, le commandement japonais est donc amené à systématiser rapidement la réquisition de femmes destinées aux ''services sexuels'' auprès des soldats et pour ainsi dire les satisfaire en terme de récompense et de repos. De même que la vie militaire et la discipline requièrent des périodes de détente nécessaires pour le maintien du moral de la troupe revenue du front, l'autre préoccupation des états-majors était de contrôler également les militaires susceptibles de faire circuler des informations via les maisons closes locales, tout en assurant en quelque sorte une domination sexuelle sur les populations asservies.

Soldats japonais attendant leur tour devant une maison de réconfort quelque part en Chine

Soldats japonais attendant leur tour devant une maison de  réconfort quelque part en Chine

Bien que les maisons de réconfort se soient considérablement multipliées au tournant des années quarante, les premières remontent au début des années 1930 durant la conquête du Nord-Est de la Chine qui verra officiellement l'une d'elles inaugurée à Shanghai en 1932. Ainsi institutionnalisées, ces maisons de réconfort qui ne sont en fait que des bordels militaires au confort spartiate voire insalubre, parfois sont appelées à se répandre sur tous les territoires conquis en Asie bien qu'on ignore leur nombre exact hormis quelques informations éparses évoquant l'existence en 1942 de 400 de ces établissements en Chine, selon un bulletin de l’armée nipponne retrouvé par l'historien Yoshiaki Yoshimi.

Or, si un crime a bien été commis, la question de l'acte obligé concernant le viol ou librement consenti par la prostitution se pose pour certains historiens et relance le débat sur l'origine des pratiques sexuelles au Japon, qui reposent sur un système réglementé existant depuis 1872 baptisé Kôshô seido, que l’armée d'occupation n'a fait qu'adapter sur le terrain pour répondre aux besoins de la guerre. Ce qui est certain en revanche, la capitulation japonaise ne fera pas disparaître la souffrance des survivantes sans compter les réactions de rejet de leurs proches et de la société, d’autant plus terribles que ces dernières sont déjà physiquement et mentalement brisées à jamais.


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