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Ker Asia

Man of Will


Film sud-coréen sorti en 2017

Quand on voit tout ce que le 7e Art a fait pour évoquer la vie des rois qui ont régné sur la péninsule ou de certains personnages historiques, on peut dire qu’il est temps que le cinéma coréen se penche sur ce personnage. Au regard du rôle politique qu’il a joué, avant et après la guerre, il n’est quand même pas n’importe qui. Au même titre que ses prédécesseurs – qui ont plus ou moins marqué le passé du pays – cet ‘‘homme de volonté’’, pour reprendre littéralement le titre du film, a véritablement marqué l’histoire contemporaine de la Corée à un tournant capital de son histoire.


C’est à dire entre deux époques, bien avant la naissance des deux Corée, et avant que le royaume de Joseon ne tombe entre les mains du Japon sachant que l’empire du Soleil Levant avait, dès la fin du XVIe siècle, lancé des offensives dans sa direction dans le but de l’envahir ou de l’annexer purement et simplement. Et bien que ce dernier ait réussi, tout au long de son développement, à maintenir une solide position militaire face aux menaces venues des mers et même de l’intérieur du continent, les cinq siècles écoulés de son histoire en cette fin d’année 1895, semblent peser aussi lourd qu’un fardeau. Il est à l’image d’une société figée depuis trop longtemps, essentiellement agraire dans ses fondations économiques et dont la population est restée majoritairement analphabète malgré une période marquée par l’apogée des sciences et des arts que le royaume doit à un souverain visionnaire. Ce roi se nommait Sejong. Il était grand et sans doute unique aussi. C’était une période faste, en ces temps-là, mais c’était il y a bien longtemps.


C’est pourquoi, le Japon ne peut traiter Joseon qu’avec le plus grand mépris depuis qu’il interfère directement dans ses affaires intérieures – non sans avoir marqué politiquement et d’une manière fracassante son entrée par l’assassinat de l’impératrice Myeongseong qui n’est autre que l’épouse du dernier roi d’une longue et prestigieuse dynastie, celle fondée par Taejo – et qu’il prend désormais en main le destin du pays. Son objectif viserait à associer la péninsule à une ère de soi-disant progrès et de modernisation d’autant qu’elle ne peut être réalisée qu’à marche forcée tant les Coréens sont en retard sur tout et de surcroît illettrés quand ils ne se dépouillent pas mutuellement pour ce qui est du commun d’entre eux tout du moins. La perception dégradante que le Japon a de ces gens et de cette terre, longtemps convoitée mais pas impossible à conquérir finalement, ne fait que renforcer une vision suprématiste qu’il porte sur la péninsule et en cela, ses relations hégémoniques avec Joseon semblent trouver toute leur légitimité pour ainsi dire. Cependant, l’idée de faire partie d’un protectorat est loin de faire l’unanimité dans la société mais que faire ? Plus un seul notable coréen n’ose remettre en cause l’autorité de l’étranger. Toute velléité de résistance du peuple est durement réprimée. Tous se sentent, en fait, misérables et impuissants sauf un.


S‘il est nécessaire de remonter le cours du temps pour comprendre le comment du pourquoi et surtout ce qui va se passer, c’est que cette période constitue pour Joseon un véritable bouleversement. Ainsi, la première séquence du film commence par une lutte à mort entre deux hommes. L’un semble vouloir se venger mais de quoi et pourquoi  ? L’histoire de cet homme – qui n’est pas doté que d’une grande volonté mais certainement d’une foi inébranlable aussi, doit affronter un climat de délitement social et politique général de son pays – s’inscrit dans un combat pour la survie qui n’est pas que personnelle. L’emprise croissante de l’ennemi sur la péninsule ne laisse guère le choix à la population que de se soumettre pour réaliser les projets d’un grand Japon d’autant que celui-ci se veut ancré dans la modernité tout en se montrant toujours plus conquérant. Aussi, lui faut-il trouver une main d’œuvre indispensable pour la rénovation de la péninsule à commencer par ses infrastructures routières inexistantes et qu’il faut bâtir, quitte à sacrifier des vies car ces Coréens ne valent guère plus que la matière première essentielle pour y parvenir. C’est à dire jetable, après usage, pour tous ceux qui sont exploités sur les chantiers ainsi que les prisonniers de droit commun – dans le film – employés de force parmi lesquels se trouvent justement ‘‘notre homme’’...


Ce qu’on peut dire sans spoiler le film, c’est qu’il est temps que le cinéma coréen rende enfin hommage à Kim Gu. Son histoire est celle d’un combat hors du commun dans lequel tout Coréen voire même n’importe qui pourrait se reconnaître. Il n’y a pas que du courage dans ses actes de résistance à l’oppression. Le passé de la péninsule ne manque pas de héros pour faire briller son histoire. Ce qui manque, en ces temps de tragédie nationale, c’est la conscience qui permet d’entrevoir les choses, une vision de ce que peut être un avenir commun. Pour cela, il faut d’abord retrouver la liberté de parole, avant la pleine et entière liberté, et des hommes, ce n’est pas ce qui manque mais partagent-ils tous ce même élan alors que de profondes fractures sociales et divisions politiques ont profondément marqué la société d’autrefois ? La grande majorité de ses compatriotes d’infortune sont illettrés – dans le film – quand d’autres ont peur, quand ils ne sont pas corrompus ou qu’ils préfèrent collaborer avec l’ennemi... Que faire si ce n’est de poursuivre la lutte car d’autres suivront peut-être même si tout se dérobe déjà et que c’est le Japon qui décide de la vie de chaque Coréen et peut-être même à la place du dernier souverain de Joseon ?


Le roi Sunjong n’est plus qu’une marionnette et même s’il figure dans les annales de sa dynastie, au même titre que ses ancêtres d’ailleurs, quel souvenir l’Histoire gardera-t-elle de lui ? Dans les faits, son pays lui a déjà échappé. La péninsule est entrée dans un âge rempli d’incertitudes. Elle est désormais peuplée par des ombres, celles de ceux qui se cherchent, celles du passé, celles de l’oubli qui n’évoque plus que les souvenirs d’un royaume fantôme. Aussi, le véritable combat de Kim Chang-soo (devenu Kim Gu) ne fait que commencer – toujours dans le film – pour ainsi dire mais quel film ! Il faut absolument le voir rien que pour le fait historique et pour l’interprétation magistrale de Jo Jin-woong – dans le rôle du futur leader de la résistance coréenne et au regard de son héritage politique au lendemain de la Seconde guerre mondiale – sans oublier la qualité de la photographie qui participe à la mise en valeur de cette démarche quasi biographique et combien intéressante pour qui veut, un tant soi peu, connaître l’histoire contemporaine de la Corée avant la partition.


Notons que si le gouvernement du Sud a mis du temps à accorder le statut de héros national à Kim Gu et à titre posthume, il n’est jamais trop tard pour lui trouver une place à part entière dans l’histoire du pays. C’est à dire égale à Sejong le Grand, dont le portrait figure sur les billets de 10.000 wons, mais cela semble décidément bien difficile à faire aboutir malgré l’annonce faite, en 2007, par la banque centrale nationale de la République de Corée. Quant au cinéma, disons qu’il ne faut pas manquer ce film magnifique en tout point et réalisé comme un hommage que le 7e Art se doit de lui rendre.


Pour finir, il ne reste plus qu’à remercier Lee Won-tae pour cette ambitieuse initiative et NaTeam.DN pour la vostfr.


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