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  • Ker Asia

Monstrum


Sans jeu de mots, reconnaissons que ce film a du mordant et pas qu’à cause du monstre. Même s’il est aussi effrayant qu’immonde – sans parler d’une étrange maladie qu’il propage dans une population à peine remise de la tyrannie et qu’il dévore d’ailleurs avec une férocité aveugle – notons que le scénariste n’a pas cherché bien loin pour raconter son histoire construite sur la frayeur puisque ‘‘Monstrum’’ s’appuie sur un fait étrange survenu sous le règne du roi Jungjong.


D’après les textes anciens, il serait suffisamment marquant pour être consigné dans les annales de Joseon en 1527 - sauf qu’il n’a jamais été question de monstre ni de quoi que ce soit de précis d’ailleurs – et il faut croire que la situation n’est plus tenable aussi pour que la famille royale ait cru bon changer de quartiers durant quelque temps, ce qui laisse grandes ouvertes, les portes du palais d’Hanyang pour faire circuler toute sortes de spéculation et pourquoi pas un monstre dans notre film en tout cas.


Obscure référence s’il en est, ce monstre ou Monstrum comme on voudra, est pour ainsi dire la pièce maîtresse d’une intrigue qui s’articule autour de son existence imaginaire – et redoutée de tous y compris des plus hauts dignitaires de la cour jusqu’au roi lui-même – dans un premier temps avant qu’il ne prenne forme pour mieux terroriser ? Certainement mais pas gratuitement parce que les enjeux de pouvoir semblent lui servir de terrains nourriciers, si on peut dire, et parce que la peur est un instrument de manipulation des masses, depuis toujours, surtout quand elle est entre les mains des gouvernants ou de ceux qui contestent une politique en se servant du peuple effrayé pour le dresser contre l’autorité contestée.


Partant de cette réflexion sur le pouvoir et sa perception, ‘‘Monstrum’’ se montre plutôt divertissant que véritablement effrayant même si l’apparence répugnante du monstre a de quoi rivaliser avec les créatures dans ce que les meilleurs films d’horreur ont pu produire de mieux jusqu’à présent. Mais là où la frayeur aurait dû dominer, c’est plutôt l’action qui l’a emporté en raison du rôle que l’histoire lui assigne. C’est à dire que Monstrum est, en réalité, un instrument dont se servent différentes factions pour affaiblir le pouvoir du roi Jungong – toujours dans le film – sauf que ce monstre jusqu’alors imaginaire est devenu subitement réel et qu’il échappe de surcroît à tout contrôle parce qu’il n’obéit, pour ainsi dire, qu’à son instinct. Ce qui donne une histoire d’épouvante et enveloppée d’un épais mystère, certes bien entretenu au début tout du moins, mais finalement assez classique dans son développement.


Il n’y a pas de véritable suspense. Autant le scénario aurait pu multiplier les fausses pistes pour alourdir l’atmosphère et attiser la curiosité du spectateur, par exemple, autant l’entrée en scène – quelque peu prématurée et spectaculaire – du monstre et dans son intégralité, tend à affaiblir une tension qui aurait pu être maintenue jusqu’au dénouement outre de laisser voir une fin des plus convenues. C’est dommage car tout le capital mystère accumulé au tiers du film, s’est soudainement envolé alors qu’il est aisé de se contenter d’une apparition furtive voire le plus tardivement possible du monstre sachant que ce dernier ne demande qu’à tout dévorer et dans une demie-obscurité dont le film joue avec beaucoup d’inspiration d’ailleurs. On peut dire que tous les codes visuels du film d’horreur sont ici réunis mais encore fallait-il faire preuve d’imagination pour les exploiter pleinement et peut-être sortir des sentiers battus ou du déjà vu même mal éclairé…


Cela étant, ‘‘Monstrum’’ reste regardable dans l’absolu ne serait-ce que pour suivre l’évolution des protagonistes – Park Myung-min alias Yoon-gyeom, Kim In-kwon alias Seong-han et Hyeri alias Yoon-gyeom – dans leur quête de vérité quand elle n’emprunte pas le chemin d’un thriller par moments. Enfin et si on en croit le modeste budget alloué pour sa production, le film se révèle bien agréable à regarder. C’est même une belle surprise dans un genre maintes fois revisité et trop souvent indigent quant à susciter quelque chose de palpitant tant il accumule les navets. Dans le cas de notre monstre, si le film ne brille pas par son inventivité, la réalisation est en revanche très soignée. Les effets spéciaux sont efficaces et ne débordent jamais sur le rendu visuel. On est loin du délire qui caractérise les productions à gros budget et à gros renforts d’artifices numériques. Au contraire, tout cela sent la maîtrise et donne l’envie d’en savoir plus, ce qui n’est pas si courant pour un film de monstre, encore une fois pas si effrayant que ça, mais tout à fait regardable.


Pour terminer, disons qu’il est monstrueusement distrayant et le fait que tout se déroule dans une Corée du XVIe siècle y est certainement pour quelque chose dans ses bons scores au Box Office.


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