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Ker Asia

My Way


Film sud-coréen sorti le 22 décembre 2011. Titre alternatif : Far away, les soldats de l'espoir

Sans doute marginale dans la grande tourmente qui a secoué l’Europe et l’Asie au cours de la Seconde guerre mondiale, cette histoire d’hommes bien que fictive s’agissant de nos héros - Kim Jun-Shik et Tatsuo Hasegawa, le colonel japonais – repose pourtant sur un fait réel puisque le film s’inspire de la vie d’un soldat de la Wehrmacht fait prisonnier en juin 1944 sur les plages de Normandie.

Or, cet homme n’a absolument rien de germanique et pour cause, Yang Kyoung-jong est coréen… Et c’est seulement quelques années plus tard que les archives du renseignement américain nous apprendront que dans l’armée allemande, il y avait des soldats de différentes nationalités – ce qui n’est pas nouveau dans une Europe occupée depuis 1939 – mais des soldats coréens aussi ce qui est beaucoup plus surprenant et au nombre de quatre le jour J selon l’historien Stephen Ambrose.

Comment expliquer cela sans remonter le cours du conflit - pour le front asiatique dans le film tout du moins - qui a commencé en Chine en 1937 et émaillé en mai 1939 par un accrochage à Nomonhan (en japonais et Khalkhin Gol en mongol) dans la province mongole de Dornod pour se transformer en guerre, certes non déclarée, entre Soviétiques et les troupes de l’armée impériale japonaise ? L’Histoire retiendra la victoire de l’Armée Rouge sur celle du Kwangtun ce qui aura pour effet d’infléchir la politique d’expansion territoriale du Grand Japon vers le Sud et fait, entre temps, des prisonniers au cours de cet incident frontalier qui n’aura duré que cinq mois en tout.

C’est pourtant suffisant pour que des Coréens enrôlés de force – réforme de la loi sur la conscription de juin 1944 pour un recrutement massif - dans l’armée japonaise se retrouvent désormais entre les mains des Russes qui vont les employer à leur tour sur le front occidental dans la lutte de reconquête des territoires perdus depuis l’entrée en guerre du IIIe Reich contre l’Union Soviétique en 1941. Pour le moins inédit quant au destin de certains ballottés sur divers théâtres d’opération et d’un bout à l’autre de deux continents, de surcroît, la présence de soldats coréens s’expliquerait donc puisque certains se verront obligés de défendre les plages normandes – dans notre cas - et surtout de se défendre d’un ennemi qui n’est pas le leur.

Bien qu’authentique pour les faits, ‘‘My Way’’ reprend ainsi le thème du soldat oublié pour nous faire vivre - sous un angle plus romancé pour ne pas dire moins désespéré aussi - une histoire d’amitié malmenée par la guerre certes mais qui ne saurait se rompre. Or, si la tragédie humaine est une constante durant tout le développement du film, les dernières séquences portent aussi un formidable espoir qui pourrait prendre l’image d’une rédemption quand dans une lueur de conscience, on peut s’identifier à l’autre, dans la souffrance, malgré le chaos qui est sur le point de tout emporter. Bien que la violence des armes soit également permanente quant elle ne devient pas insoutenable, par moments, le sentiment qui se dégage de ‘‘My Way’’ est finalement aussi clair qu’un message délivré à la terre entière. C’est celui de l’humanité retrouvée.

Il s’adresse à tous les hommes en leur disant en substance ‘‘Qu’il ne faut jamais désespérer du genre humain quoi qu’il arrive et quoi qu’il ait pu faire’’. Aussi ce film mérite-t-il qu’on aille jusqu’au bout de l’horreur car il représente tout simplement ce que nous sommes dans nos pires travers depuis que la guerre existe. C’est ce que Yang Kyoung-jong a vécu et que le film illustre en lui rendant hommage, d’une certaine manière, même plusieurs décennies plus tard...

Sur le plan cinématographique proprement dit, si la violence est palpable, elle ne submerge pour ainsi dire jamais les hommes renforcés en cela par une image de fin tout simplement sublime comme toute chose qui parle de la vie plus forte que tout. Avec tous les ingrédients d’un film de guerre, ‘‘My Way’’ a donc réussi ce tour de force qui consiste à s’affranchir des codes et en s’écartant des clichés - assez communs du genre - pour placer l’homme au centre sans être manichéen ni partisan ou politiquement orienté comme c’est souvent le cas, hélas, dans les productions coréennes versées dans la reconstitution historique.

Comme toute belle réalisation du 7e Art, on peut certes la regarder comme telle mais on peut y voir surtout quelque chose de plus profond qui n’est rien de moins qu’un vibrant appel à défendre la vie de toute emprise idéologique quelle qu’elle soit. C’est en cela que ‘‘My Way’’ est un grand film.


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