Les amateurs de sageuks seront conquis d’avance et ceux qui sont intéressés par cette période seront certainement comblés. Même si le personnage central a pu faire l’objet de diverses interprétations voire de controverses au regard du contexte - il s’agit de succéder à un roi au trône de Joseon - et même si on ne connaît rien à cette page de l’histoire coréenne qui se déroule au 18e siècle, le film aborde le sujet avec beaucoup de pertinence sur plusieurs plans. Il est clair que le synopsis en dit suffisamment pour qu’on devine d’emblée la trame de l’histoire. Celle-ci repose sur le pouvoir et sa transmission sachant que cela se passe rarement bien en ces temps lointains de même que les hommes qui y prétendent ne sont pas forcément les mieux qualifiés pour l’exercer. Cela vaut d’ailleurs pour le passé comme pour notre époque, moins chahutée sans doute, mais guère tendre non plus pour les prétendants au pouvoir suprême ou ceux qui l’exercent dans un cadre plus démocratique. Tout ceci n’est donc pas nouveau sauf que ‘‘Sado – The Throne’’ donne à notre histoire une dimension humaine plus grande qu’un sageuk l’aurait fait ordinairement au regard des films et dramas ayant abordé le sujet. L’écriture cinématographique tranche d’ailleurs singulièrement avec le style adopté jusqu’à présent pour ne pas dire avec beaucoup moins d’emphase pour décrire les relations qui se nouent à la cour. Il y a moins de théâtralisation dans les comportements pour ainsi dire – quand bien même le souci de l’étiquette et des règles de bienséance sont fort bien montrés dans le cas présent – et les dialogues sont parfois surprenants de rudesse sans que le trait soit exagéré quand un roi se fait interpeller vivement par ses ministres par exemple ou que ces derniers lui rendent hommage. C’est sobrement manifesté et promptement réglé aussi quand il faut exécuter une sentence et verser le sang. Entre les murs d’un palais, on est certes pris dans une sorte de huis clos mais sans les pesanteurs habituelles du genre. En cela, il y a une véritable tension palpable entre le roi et son successeur désigné. Pour les deux hommes, c'est tout un drame qui pèse sur leurs relations, pourtant proches et affectueuses, qui ira jusqu’à les séparer et sur lesquelles, le film va tenter de faire la part entre l’humain et les intérêts supérieurs. Magnifié par une photographie exceptionnelle - alternant plans larges et incisifs – le trône que pourrait convoiter bien des prétendants apparaît, en filigrane, comme doté d’une force d’attraction fascinante et à la fois redoutable. C’est donc au prix de lourds sacrifices qu’on y accède et qu’un prince n’est pas prêt à payer même pour le bien de son pays ou satisfaire un père exacerbé et finalement désespéré car il n’en est pas moins humain même avec des attributs royaux. ‘‘Sado – The Throne’’ se distingue des autres productions, versées sur le sujet, par un parti pris esthétique, poussé à l’extrême, dans la construction des plans et des jeux de lumière tout en combinant le sens du détail - dans la reconstitution impressionnante des costumes - à la restitution des décors pour servir d’écrin, en quelque sorte, à une histoire peut-être pas aussi exceptionnelle que cela s’il n’y avait pas la magie du cinéma pour s’en mêler et lui donner une dimension émotionnelle. A ce titre, il faut reconnaître au 7e Art le pouvoir de transcender bien des choses en sachant faire revivre des personnages historiques et leur donner, au travers des émotions, ce supplément d’âme qu’on ne risque pas de trouver en lisant les meilleurs livres d’histoire ou en se plongeant dans les annales. Quoi qu’il en soit, la vérité ou ce qui est considéré comme vrai sur le prince Sado est une chose mais ce qui compte aussi est l’intérêt ou le plaisir qu’on en retire en regardant cette production qui raconte avant tout une histoire d’hommes. Les derniers moments réservent d’ailleurs de magnifiques scènes à la fois belles et émouvantes sans que l’on puisse se détacher de la cruauté qui habille ce film depuis le début. Elle conduit parfois les hommes à faire des choses, malgré eux, au nom de la raison d’État ou à en subir les conséquences pour la même raison. On pourrait dire bien des choses encore mais laissons à d’autres le soin de découvrir ce film vraiment exceptionnel et pourquoi pas de faire connaître leurs opinions.
Ker Asia
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