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  • Ker Asia

Spirits' Homecoming


Film historique sud-coréen sorti le 24 février 2016

L’histoire des femmes dites de réconfort a déjà fait l’objet d’une approche sur le plan cinématographie mais peut-être pas d’un traitement aussi abouti quant à montrer le sort qui leur a été réservé durant l’occupation japonaise en Corée, durant la guerre notamment.

Aussi faut-il accueillir ce film comme une énième tentative pour parler d’un sujet aussi douloureux et surtout délicat à mettre en image ? Le sujet appelle certainement quelques précautions d’usage ou comporte des restrictions, pour ne pas choquer le public, mais à la lecture du synopsis, il faut croire que non.

Sans que cela soit une œuvre de fiction uniquement – car il faut bien qu’il y ait des acteurs - le contenu informatif de ‘‘Spirits’Homecoming’’ emprunte pour ainsi dire le même chemin qu’un documentaire par la rudesse de certaines séquences mais sans la volonté d’exacerber un aspect particulier apparemment. Il s’agit ni plus ni moins de nous faire revivre un drame d’une ampleur jamais vue, au cours de la Seconde guerre mondiale, s’agissant de l’esclavagisme sexuel de jeune filles à des fins militaires.

Or, si le sujet a pu sortir des oubliettes de l’Histoire grâce à l’activisme des associations de femmes rescapées et avec le concours des médias plus tardivement, le 7e Art n’a su aborder la question des atrocités japonaises qu’avec beaucoup de réserves, jusqu’à maintenant, tant il vrai que cela revient à ouvrir une boîte de Pandore avec toutes les conséquences que cela comporte pour la société qui ne s’attend peut-être pas à un traumatisme s’agissant de son passé récent. Il y a de fait une sorte d’auto censure qui s’exerce quant à montrer des choses insoutenables.

C’est dire aussi que le contentieux entre La Corée et le Japon est loin d’être réglé et s’agissant de cet aspect pour le moins inédit dans le traitement de la population civile et plus particulièrement des enfants – rappelons que les jeunes filles enlevées à leur parents et réduites en esclavage avaient entre 13 et 20 ans dans la réalité et dans le film – durant l’occupation de la péninsule au cours la guerre et même avant, il n’est guère aisé d’y apporter une illustration par l’image sans choquer l’opinion.

C’est pourtant le but de ce film qu’on peut qualifier d’ambitieux d’emblée car si l’angle de lecture adopté ne saurait souffrir du moindre artifice cinématographique, sans nuire à l’entreprise, il s’agit aussi de nous faire toucher du doigt l’étendue d’un drame humain - qu’on peine à imaginer dans la chaîne des crimes dont l’être humain est capable – en essayant d’être crédible et rester dans les règles de l’art. C’est à dire, donner envie d’aller au cinéma et si possible de regarder un film intelligent d’abord à défaut d’être distrayant.

C’est pour cette raison principalement que ‘‘Spirits’Homecoming’’ ne peut être considéré comme un film, parmi d’autres, sur le thème de la guerre malgré le contexte et en dépit de sa valeur artistique indéniable toutes proportions gardées. Par sa tragique dimension et les réflexions qu’elle contient, cette histoire d’innocence violée et volée – car elle nous entraîne au plus profond de la noirceur humaine jusqu’à l’insoutenable - possède une qualité rare que l’on ne trouve que dans les grands films. Grands dans le sens où ils interpellent notre conscience quitte à la heurter et c’est ce que ‘‘Spirits’Homecoming’’ est parvenu à faire en allant au-delà du spectacle qui prévaut souvent dans une démarche cinématographique qui consiste à séduire les foules.

De fait, il porte en lui la force pour ne pas dire la puissance d’un témoignage certes douloureux et terrifiant sur une époque – il a été financé par des rescapées pour une bonne partie et des associations – que d’aucun ne saurait vivre sans être anéanti mais paradoxalement aussi, l’attraction d’une réalisation à la plastique soignée. Aussi peut-on entendre des rires d’enfants dans les premières séquences du film, mais ils ne tarderont pas à s’estomper rapidement quand la guerre s’en prendra aux plus faibles. S’ensuivra alors une descente aux enfers pour beaucoup de jeunes filles enlevées de force à leurs parents et l’innocence n’y pourra rien contre la barbarie quand tout n’est plus que ténèbres.

Aussi faut-il attendre qu’une voix de femme, devenue âgée, nous dise par des mots simples de quoi les hommes sont capables pour comprendre qu’en ce temps-là, il s’est passé des choses qu’on peine à imaginer car on est tout simplement à la frontière de l’indicible. Et si d’aucun peut trouver certaines scènes insupportables, le film montre aussi des lueurs d’espoirs et même de la compassion dans le geste isolé d’un soldat sauf que ce qui est perdu le sera à jamais.

C’est à dire l’innocence… Cette même innocence qui pare les images de ‘‘Spirits’Homecoming’’ d’une étrange et irradiante beauté pour parler de la folie quand elle s’empare des hommes jusqu’à en faire des monstres.


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