Le scénario est ébouriffant, en effet, à tel point que le spectateur risque de perdre son latin et son souffle dans cette course poursuite entre espions de tout bord ou presque.
Il faut dire que ce dossier Berlin est du genre complexe – comme toute affaire d’espionnage internationale d’ailleurs – et au fur et à mesure que l’intrigue s’épaissit, on y voit même plus tout à fait clair à moins d’être un habitué du décryptage ou de revenir sur certains passages du film voire de les repasser au ralenti. Par conséquent, et compte tenu de l’opacité de ce dossier, outre la lecture assez alambiquée qui lui est donnée, on peut dire sans se tromper que ‘‘The Berlin file’’ est l’exemple parfait du film à multiples facettes. C’est à dire qu’il requiert la plus grande attention si on ne veut pas être largué en cours de route et sans doute quelques neurones, en état de marche si possible, pour comprendre de quoi il retourne.
Aussi, que faut-il penser de cette promenade secrète à Berlin ? Si l’impression qui se dégage de la première séquence est prometteuse d’emblée, on ne peut hélas en dire autant du développement de l’intrigue. Il est loin de mettre en évidence les enjeux si tant est que le scénariste maîtrise encore son récit et c’est bien ce qui gâche un peu cette histoire d’espionnage, outre le sentiment de frustration qui finit par l’emporter sur l’intrigue à l’issue des 120 mn que dure le film. Sans que cela soit vraiment dommageable pour autant, disons qu’à force de jouer avec les retournements de situations alors que la trame de l’histoire est assez classique, le fait de mêler plusieurs enjeux a tendance à brouiller rapidement le fond de l’affaire – qui consiste pour les services secrets sud-coréens à contrecarrer un marché d’armes illicites entre agents du Moyen-Orient et de la Corée du Nord via un intermédiaire russe…– s’il ne l’a pas embourbée entre deux passes d’armes précisément.
En d’autres termes, cette réalisation manifestement ambitieuse de Ryoo Sung-wan et qui aurait pu être bien meilleure encore, pêche non par manque d’imagination mais de lisibilité plutôt. Ce qui signifie que l’une et l’autre sont indispensables pour qu’une réalisation de cette densité soit non seulement attractive, visuellement parlant, mais surtout compréhensible dès la première lecture ce qui n’est pas le cas encore une fois. C’est peu dire que le cinéma d’espionnage – où l’action et le cérébral doivent se côtoyer dans notre cas – est un exercice des plus difficile et sans doute aurait-il fallu jouer du flash-back pour donner davantage d’explications sur les motivations des protagonistes sachant qu’en venant d’horizon différents, ils ne peuvent évidemment pas partager les mêmes intérêts. Dans ce méli-mélo d’agents, il y a donc de quoi perdre aisément le fil de l’histoire sauf peut-être celui du héros principal, bien embarqué malgré lui, dans une affaire qui en dépasserait plus d’un y compris le spectateur.
Toujours est-il qu’en dépit d’une écriture scénaristique assez brouillonne mais néanmoins nerveuse, ‘‘The Berlin file’’ se montre captivant – en se posant quand même des questions sur qui est avec qui entres autres - et si les scènes d’action, fort efficaces, permettent de gommer un peu la complexité du dossier Berlin grâce notamment au remarquable jeu d’acteur de Ha Jung-woo (dans le rôle de Pyo Jong-Sung, l’agent au-dessus de tout soupçon outre d’être un héros de la nation), quelque chose de vaguement agaçant ne cesse de perturber le plaisir que chacun aurait pu retirer de cette histoire un brin abracadabrantesque.
Est-ce vraiment un film d’espionnage, même musclé, ou un film d’action sur fond d’espionnage ? On ne sait pas trop et cette dernière question risque bien de plomber cette réalisation décidément, très pour ne pas dire trop ambitieuse, outre de laisser beaucoup de spectateurs dubitatifs et de surcroît troués de balles. Ceci dit, ‘‘The Berlin file’’ est un film des plus percutant qui a juste les défauts de ses qualités à force de vouloir trop en faire ou se mêler de tout en s'emmêlant les pinceaux… Bref, il faut avoir des yeux partout, à Berlin, et savoir parler plusieurs langues pour ne pas se laisser distancer par tous ces agents de l’ombre dont certains sont reconnaissables rien qu’à leur humeur… Mossad.
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