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Ker Asia

The Fortress


Film historique sud-coréen sorti le 3 octobre 2017. Adaptation du roman "Namhansanseong" de Kim Hoon Il

Entre la honte de la reddition ou la lutte dans l'honneur, les conséquences sont toujours lourdes, dans une guerre, quelle que soit l'issue. Que faire ? Le roi Injo se trouve dans une situation des plus dramatiques face à un adversaire qui l'assiège désormais dans une forteresse tandis que ses ministres se déchirent sur l'option à prendre. L'avenir de Joseon est entre les mains d'Injo, après plusieurs semaines de combat contre les Mandchous, alors que ses ressources commencent à diminuer de jour en jour... D'emblée, tout est dit pour ce qui est du scénario et il ne reste plus qu'à savoir comment le cinéma coréen va traduire en image cette page d'histoire pour le moins humiliante pour le pays. Il faut dire qu'elle s'appuie sur un fait indiscutable et restituer un fait d'armes par le truchement du grand écran est toujours séduisant mais pour dire quoi au juste quand le dénouement est déjà connu pour peu qu'on se documente sur le sujet. Capital dans l'histoire de la péninsule, il s'agit d'un tournant qui décidera de l'avenir des Coréens et cela passe par la reconnaissance d'un nouveau suzerain ou plutôt par la soumission ou non aux vainqueurs des Ming. Les Mandchous sont bien partis pour asseoir leur pouvoir en Chine en ayant chassé leurs prédécesseurs. Or Joseon veut rester fidèle à l'ancienne dynastie tout en gardant une attitude hautaine voire belliqueuse à l'égard de ces derniers sans chercher à améliorer ses relations diplomatiques ni ses capacités militaires. Dès lors, aucune alternative n'est possible autre que l'affrontement et c'est cet angle particulièrement défavorable pour Joseon que le film de Hwang Dong hyeok va montrer mais en ne retenant que la fin. C'est à dire au cours des derniers jours de combat jusqu'à la défaite totale d'Injo. Aussi faut-il s'attendre à un dernier soubresaut du roi certes mais ce n'est pas dans les passes d'armes qu'il faut s'engouffrer car s'il y en a, cela ne semble pas être dans l'intention du scénariste d'en faire un grand spectacle, au risque de décevoir les amateurs ''d'historiques'' purs et durs. Pour une fois, disons que la démarche est tout à l'honneur du cinéma coréen s'agissant de sageuk et même de films traitant de l'Histoire, plus contemporaine, produits ces dernières années dans la péninsule. On se souviendra, par exemple, de ''The Admiral'' ou ''Frères de Sang'' particulièrement démonstratifs pour ne pas dire outranciers dans les propos, par moments, comme dans les actes d'ailleurs et contrairement à ce qu'on pourrait attendre de ''The Fortress'', le film semble privilégier la nuance à la force brutale. Il est parvenu à un bel équilibre entre psychologie et action sans faire l'impasse sur le suspens. Loin d'être guerrier et sans être cérébral non plus, une large place est même donnée aux dialogues – côté coréen – et pour cause, il s'agit de faire un choix non sans soupeser tout le poids de la décision que devra prendre Injo. Le roi est de fait tiraillé entre ses ministres tous convaincants dans leur argumentation mais que faire, encore une fois, sans que la nation n'ait trop à en souffrir ? C'est la grande question posée tout au long du film, ponctué de scènes de combat, quasi désespérées pour les coréens, et qui semblent décidément bien seuls dans leur forteresse. Extrêmement soigné pour la reconstitution du cadre et même dans le moindre détail, ''The Fortress'' est une bien belle production d'un point de vue plastique - sans oublier la qualité des dialogues - et surtout honnête intellectuellement parlant ce qui n'était pas gagné d'avance connaissant la propension des Coréens à exacerber leur patriotisme chaque fois qu'il s'agit de défendre la nation. Dans notre cas, il n'y a pas de parti pris pour ainsi dire. Rien qui pourrait parasiter la démarche qui consiste à évoquer un épisode des plus tragiques de leur histoire. Tout au plus, peut-on s'interroger sur le nombre réel - 500 000 dans le générique de fin - de captifs emmenés en Chine, en guise de tribut, après la soumission d'Injo et sur la notion de race pure - toujours ancrée, par ailleurs, dans l'inconscient collectif des Coréens - qui en découle concernant les personnes mises au ban de la société, à leur retour, pour ce qui est des femmes notamment. Une chose est certaine, en revanche, l'Histoire de la péninsule est aussi une affaire d'étrangers qu'ils soient chinois, mandchous ou japonais et s'il faut porter à l'écran certains passages importants de Joseon, espérons que cette réalisation de Hwang Dong hyeok fera des émules pour au moins deux raisons. Il est possible de parler du passé à travers le cinéma sans le réduire en spectacle ni en faire une récupération politique. En un mot, ce film mérite vraiment le détour. Il est beau parce qu'il est non seulement honnête en plus d'être aussi bien réalisé qu'une production hollywoodienne. Aussi, laissons à chacun le soin d'apprécier ''The Fortress'' selon ses propres critères ou connaissances de la Corée voire l'idée qu'il s'en fait ou tout simplement selon son cœur.


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