Après visionnage, on peut dire que ‘‘The Great Battle’’ nous en aura beaucoup appris sur la capacité de résistance des Coréens face aux Chinois, au temps de Goguryeo, et sur l’art de la guerre notamment, bien que nous ayons affaire à un ancien fait d’armes puisqu’il se situe en 645 de notre ère. Mais on peut comprendre aisément les motivations du réalisateur Kim Kwang-sik quant à lui donner corps parce que le cadre est tout simplement grandiose sans parler des forces en présence. C’est à dire dans un rapport de vingt contre un du côté coréen ce qui ressemble, ni plus ni moins, à une campagne punitive des Tang contre Goguryeo – depuis l’assassinat de leur prétendant au trône de ce petit royaume – sachant que ce dernier doit verser régulièrement un tribut à l’empire du Milieu au même titre que les royaumes de Baekje et Silla dans la péninsule. Aussi et au regard de cet acte assimilable à une déclaration de guerre, la seule chose à faire est de régler cet affront par les armes, entre suzerain vassal, d’autant que ce dernier semble vouloir tenir tête sauf que la ligne de défense frontalière et fortifiée de Goguryeo est sur le point de s’effondrer face aux coups portés par l’armée chinoise à l’exception de la dernière forteresse qui a pour nom, Ansi... C’est donc à partir de ce bastion que tout va se jouer car le sort de Goguryeo en dépend directement désormais et dans ‘‘The Great Battle’’, le film se propose de faire revivre aux spectateurs un affrontement inédit non seulement par le déséquilibre des forces mais parce que les défenseurs coréens sont décidément coriaces puisque le scénario, comme on peut s’en douter, se résume en une bataille où rien n’est épargné puisqu’il faut vaincre à tout prix d’un côté ou d’un autre. Tout est donc dit et il ne reste plus qu’à se mêler à la bataille pour voir la tournure des événements, parce que le spectateur n’a pas trop le choix de toute façon, et qu’il est jeté d’emblée au milieu des combats dès la première séquence ce qui promet un développement certainement pas des plus reposant. Les 138 mn du film filent d’ailleurs très vite et semblent même trop courtes mais curieusement un peu longues, par moments aussi, tandis que les scènes de combats s’enchaînent sans répit ou presque parce qu’il faut laisser un peu de place aux dialogues et aux sentiments tout en entretenant un minimum d’intrigue autour du commandant de la forteresse. Ce dernier ne risque pas de voir les renforts arrivés de sitôt d’ailleurs et pour cause. Il n’a pas suivi un ordre tandis que l’ennemi est quasiment aux portes mais pas que de la forteresse… Que faut-il donc penser de cet affrontement inéluctable… A moins d’être Coréen et encore, pourquoi Kim Kwang-sik force-t-il ainsi le trait de ses personnages ? L’ennemi du bien est souvent dans l’excès et à vouloir en jouer sans retenue quant à montrer ce qui oppose le bon Coréen – qui ne fait que se défendre, lui, sa famille et son pays – de son adversaire, cruel et en nombre de surcroît, on finit souvent par tomber dans la caricature sans parler du risque de sombrer, tôt ou tard, dans un manichéisme des plus primaire. Or, si le danger peut susciter l’union et faire la force des combattants, quel que ce soit le camp d’ailleurs, faut-il montrer des effusions du côté coréen pour dire que l’impitoyable chinois – en la personne de Li Shi Min et futur empereur Taizong – en est incapable en plus de sacrifier froidement ses propres hommes sans hésiter ? Sans nul doute faut-il être Coréen, une fois de plus, pour trouver cette présentation des choses naturelle. Quant à tirer gloire et fierté de ce que dit l’Histoire parce qu’elle relate, effectivement, plusieurs attaques des Tang repoussées par Goguryeo, est-ce si difficile de mettre un peu de nuance, dans ce film, ne serait-ce que pour donner de l’épaisseur aux protagonistes ? Il est certainement possible de montrer autre chose que des pleurnicheries ou des grimaces entre les coups… Or, le parti pris de Kim Kwang-sik semble arrêté d’avance tout comme la forteresse d’Ansi qui voudrait bien arrêter la progression de l’ennemi sauf que les hommes manquent, les armes finissent par manquer aussi – à cause des combats de siège – mais pas le patriotisme fort heureusement. Si on ne le sait pas encore, il est inébranlable dans le cœur de tout Coréen qui se respecte et porté pour ne pas dire nourri par une si haute valeur à l’égard de la nation, il ne peut qu’aller jusqu’au bout de son devoir quitte à agacer nombre de spectateurs, au sortir du film, ou les rendre admiratifs au contraire. Bref, chacun saura apprécier en fonction ce qu’il attend de cette bataille car elle est grande par la restitution qu’en a fait le réalisateur, en effet, à tel point qu’on est proche d’un gigantesque ballet, magnifiquement chorégraphié et mis en scène, sans oublier le soin apporté à l’image. C’est à dire étrangement esthétique et presque gracieux pour montrer des têtes tranchées ou des bras coupés et ce, avec la virtuosité d’un artiste qui ne recule devant aucun effet visuel comme ralentir certaines scènes de combats pour mieux les magnifier ? Que dire alors des gros plans particulièrement incisifs sur les visages et du sang, si peu versé, dans un film guerrier et particulièrement violent… Dans tous les cas et surtout dans cette façon de faire, il y a des similitudes frappantes avec les ‘‘300 Spartiates’’ de Zack Snyder, que chacun ne manquera pas de relever, sauf que Kim Kwang-sik ne se contente pas d’exploiter cette technique. Il en abuse jusqu’à enlever tout crédit à son film parce que trop c’est trop et ne parlons pas du combat final qui dure une éternité… C’est dire qu’on a tout son temps pour s’entre-tuer comme regarder tranquillement qu’une flèche atteigne son objectif parce qu’elle doit parcourir plusieurs centaines de mètres avant de toucher un adversaire qui n’en croit pas ses yeux... Quant au matériel de guerre des deux camps et les techniques de siège, il est préférable de ne pas se poser de questions tant ils sont avant-gardistes car le but du réalisateur n’est manifestement pas le souci de la vérité mais d’atteindre le spectaculaire et sur ce point, on peut dire que c’est gagné au détriment de la crédibilité une fois de plus. En d’autres termes, l’invraisemblance n’est pas un problème du moment que le show est assuré… C’est certes recevable d’un point de vue cinématographique mais la question que ne manquera pas de se poser tout amateur de films dits historiques, est de savoir jusqu’où peut-on aller dans l’outrance sans nuire à l’idée que chacun peut se faire du genre. Vouloir faire un film historique est une chose mais se servir de l’Histoire pour en faire un spectacle en est une autre. En la matière, les jeux vidéo sur ce thème ne manquent pas et sont souvent très réussis en restant dans la fiction alors qu’il s’agit d’un fait d’armes rapporté dans les manuels dans notre cas. Quoi qu’il en soit, disons que dans la manière dont les choses sont montrées par Kim Kwang-sik, on peut constater que nombre de productions historiques made in Korea partagent la même et fâcheuse tendance. Il s’agit du manichéisme avec tout le cortège de bons et mauvais sentiments, exploités à l’extrême, quand il n’est pas doublé de patriotisme ce qui fait que beaucoup de films finissent par tomber dans la propagande bien souvent quand ce n’est pas dans des contre-vérités à force d’en user. En ce qui concerne ‘‘The Great Battle’’, le ton n’est certes pas incisif mais assez marqué pour que chacun comprenne que les Coréens ont beaucoup de qualités et de talent contrairement aux autres. Ils sont même capables de faire un magnifique spectacle sur la guerre sachant qu’ils ne sauraient la perdre bien évidemment. Alors, n’est-elle pas belle cette ‘‘Grande Bataille’’ ? Ne nous précipitons pas pour y répondre parce qu’il y a encore une chose à considérer et pas des moindres. La flèche sacrée de Jumong est imparable contre tout adversaire de Goguryeo et peut-être même contre tous les détracteurs du film. Gare donc à celui qui ne pèse pas ses mots, pour en parler, ou qui se trouve sur sa trajectoire…
Ker Asia
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