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  • Ker Asia

The spy gone North


Film sud-coréen sorti le 8 août 2018

"Qui vit de combattre un ennemi a tout intérêt à le laisser en vie".

Si l'adage de Nietzsche est valable en tous temps et tous lieux, il est particulièrement pertinent dans la péninsule coréenne. En d’autres termes, le sort des gouvernements nord et sud-coréens est étroitement subordonné à une situation qu’il convient d’entretenir quitte à jouer avec le feu... Il s’agit, en l’occurrence, de la guerre toujours possible entre les frères ennemis malgré la fin officielle des hostilités en 1953 et matérialisée par une zone démilitarisée qui ne règle rien surtout que le régime de Pyongyang est aux abois depuis la fin de la Guerre froide marquée par la chute de l’URSS en 1991. Privé de son principal soutien, il est désormais obligé de chercher d’autres ressources pour assurer sa survie matérielle quitte à s’aventurer dans des pratiques des plus troubles. C’est en substance le thème central du film qui plus est, s’appuie sur des faits réels pour parler d’espionnage dans un contexte que ne saurait nier John le Carré. C’est à dire glauque pour l’atmosphère qui s’en dégage, sans compter les personnages douteux qui font souvent l’envers de toute politique étrangère quelle que soit l’époque ou le camp d’ailleurs. Pour revenir à ‘‘Spy gone North’’, le réalisateur Yoon Jong-bin a donc décidé de relater l’histoire de Park Seok-yeong – ancien officier de l’armée sud-coréenne – non pas tant pour son exploit d’avoir réussi à rencontrer Kim Jong-il, que pour dévoiler le jeu trouble que se livre les deux Corée en dépit des apparences. Bien qu’il s’agit pour Séoul d’espionner l’ennemie sur son programme nucléaire, il faut croire d’après le scénario qu’il y a toujours possibilité de s’entendre – quand politique et bonnes affaires peuvent faire bon ménage – en sous main dès lors que chacune peut gagner ou sauvegarder quelque chose. Un brin machiavélique mais pas si surréaliste que cela, le film invite pour ainsi dire le spectateur à regarder les deux Corée sous un angle moins crispé pour ne pas dire moins convenu dans leurs relations certes conflictuelles. Si l’une doit, en effet, se préoccuper de son économie devenue brutalement moribonde – 3 millions de morts au Nord causés par la famine de 1993 et un régime politique sur le point d’être renversé au Sud - l’autre ne se voit pas disputer le pouvoir même si la fin de la Guerre froide est une heureuse nouvelle pour le monde mais pas nécessairement pour tout le monde... C’est sur ce plan que réside toute l’originalité du film qui, outre de mettre en scène un espion de haut vol – et certainement le plus audacieux qu’on ait connu depuis Joan Pujol Garcia alias Garbo – s’est également attaché à montrer que les rouages des services secrets sont faits d’histoires bien étranges parfois et d’histoires d’homme aussi. Des hommes certes opposés par leur appartenance idéologique mais pas si dissemblables que cela, une fois la barrière de la méfiance tombée quitte à passer par la duperie dans un premier temps tout du moins. C’est ce que l’espion sud-coréen – Black Venus dans le film et dans la réalité – est parvenu à faire avec le Conseil économique extérieur de la Corée du Nord pour se hisser dans les plus hautes sphères du parti communiste. Mais le plus surprenant, n’est pas tant dans la prouesse d’avoir atteint un objectif que son rapport à l’ennemi paradoxalement. Entre méfiance et crédulité, le réalisateur s’est rapidement débarrassé des codes qui prévalent dans les films d’espionnage pour faire passer habilement le spectateur d’un camp à l’autre sans qu’il parvienne à distinguer le bon du mauvais tout au long de l’intrigue. Si les protagonistes - Park Suk-young dans le rôle de l’espion sud-coréen face à son homologue Ri Myong-un – sont pourtant bien différents, dans leur rôle respectif, Yoon Jong-bin montre surtout qu’ils ne sont pas moins humains au-delà des enjeux politiques qui finissent par les dépasser d’ailleurs. En d’autres termes, si ces hommes ne sont que des éléments jetables de leur propre système, il faut croire qu’il est possible de nouer des relations proches pour ne par dire teintée d’amitié, à l’image d’un pays coupé en deux qu’est la Corée, mais pas nécessairement irréconciliables. Du reste, s’il faut retenir quelque chose de ce film qui parle d’espionnage, disons qu’il est magistralement écrit et interprété outre d’être crédible pour les questions qu’il suscite et les enjeux qu’on ne soupçonne pas toujours derrière les postures officielles que se donnent les politiques et cela ne vaut pas que pour les Coréens.


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