Quelque peu déroutant dans la première demie heure - en raison du style adopté, c’est à dire mélangeant comédie et thriller - ‘‘Vétéran’’ se révèle rapidement captivant pour le thème abordé s’agissant des travers de la société coréenne qu’il se plaît à dénoncer à travers le comportement d’un futur grand dirigeant d’entreprise qu’est Jo Tae-oh dans le film. Cette société est de plus en plus à l’image de ceux qui la dirigent, dans laquelle beaucoup de leurs concitoyens sont laissés pour compte et ce malgré l’essor économique du pays qui ne semble profiter qu’à une classe de privilégiés. Ces derniers ne se refusent d’ailleurs rien sauf que pour certains - dont l’inspecteur Seo Do-cheol toujours dans le film – il y a des limites qui ne sont pas acceptables malgré les pressions de la hiérarchie ou le laxisme des collègues, sans doute habitués à tout accepter tant les choses semblent jouées d’avance, ou leur échapper quand ils ne sont pas corrompus. Surfant sur le mécontentement populaire grandissant et les faits réels qui secouent la société coréenne par l’ampleur des scandales qu’ils suscitent depuis quelques temps – la destitution en mars 2017 de la présidente Park Geun-hye pour corruption et trafic d’influence n’étant qu’un avatar de plus - ‘‘Vétéran’’ donne pour ainsi dire un joli coup de pied dans la fourmilière que représente tout le système coréen fait de passe-droits et de corruptions jusqu’à faire croire, pour certains - les Chaebol, c’est à dire les très grands groupes coréens comme Samsung, Hyundai, LG par exemple - que les lois n’existent que pour les autres, ce qui est souvent vrai dans ce pays, mais pas tout le temps fort heureusement si on en croit son actualité récente. Or, si la charge menée contre le système ne ménage personne, l’humour adopté dans le film, pour ne pas tomber dans l’agressivité, n’atténue en rien le propos dans le fond avec toute la résonance d’un dégoût. On pourrait presque en donner une illustration qui ressemblerait à une grande claque donnée à tous les puissants bien à l’abri derrière l’impunité qu’ils ont érigée en moral et pour cela il faut bien un ‘‘Vétéran’’ pour pouvoir le faire. C’est à dire, un vieux de la vieille qui en a vu d’autres et qu’on ne pourra pas acheter même si pour cela il doit rester locataire de son appartement pour le restant de ses jours car il est justement intègre. Mais au-delà de la justice nécessaire pour rendre aux affaires une image qui ne soit plus suspectée systématiquement de tous les maux, ‘‘Vétéran’’ jette également un regard très critique pour ne pas dire cruel sur le fossé qui sépare la classe des pauvres - c’est à dire simplement honnêtes dans le film - et des riches. Ces derniers détiennent un pouvoir grandissant qui ne réside pas que dans la fortune amassée mais aussi dans leur indécence à bafouer morale et lois pour s’y croire au-dessus car les institutions mêmes fonctionnent sous leurs influences. Bien que ‘‘Vétéran’’ se veut être divertissant, le film risque donc de surprendre beaucoup de spectateurs qui ne voient trop souvent de la Corée que sa modernité et ses traditions mais c’est aussi tout le mérite du 7e Art de savoir aborder des sujets délicats sans tomber dans le réquisitoire. C’est à dire en donnant simplement l’occasion à chacun de regarder derrière les coulisses d’un pays aussi immoral dans le comportement de certains de ses dirigeants qu’insolent dans son ascension économique. Notons enfin l’excellente performance de Hwang Jung-min alias Park Geun-hye, l’inspecteur intègre, et Yoo Ah-in alias Jo Tae-oh dans les dernières séquences ce qui nous ramène à certaines réalités dont la Corée n’a pas l’exclusivité quand il s’agit d’arrêter des voyous…
Ker Asia
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