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Ker Asia

Warriors of the Rainbow


Film taïwanais sorti le 9 septembre 2011

Reposant sur d'authentiques faits, ''Warriors of the Rainbow'' se devait d'être fidèle à l'histoire des Seediq Bale qui ont combattu les troupes japonaises débarquées à Taïwan – consécutive à la cession par la Chine d'une portion de son territoire suivant le traité de Shimonoseki signé, en 1895, avec le Japon – avant leur reddition puis soumission face à un ennemi surarmé pour finalement se soulever quelques décennies années plus tard contre l'occupant.

En cela, s'il n'est pas permis de s'écarter de cette page d'Histoire pour le moins cinglante pour l'empire du Soleil Levant, le producteur s'est appliqué, en revanche, à faire une description qui se veut être fidèle des autochtones quant à les dépeindre dans leur mode de vie et coutumes. C'est à dire proche d’un travail anthropologique dans la démarche, étrangement esthétique aussi malgré l'absence manifeste de parti pris et suffisamment parlante pour donner l'envie de s'intéresser aux aborigènes qui ont peuplé l'île de Taïwan. En d'autres termes, l'image n'est pas que flatteuse puisque le téléspectateur est invité à découvrir – dans une sorte d'incursion – le quotidien des différentes tribus et ce, dès la première séquence qui montre rien de moins que l'affrontement de deux clans au cours d'une partie de chasse.

Bien que violente pour une entrée en matière, on est donc rapidement plongé non pas dans l'eau – de la rivière qui sert d’introduction dans le film - mais bien au cœur des rites que chaque tribu se doit d'entretenir au nom des traditions mais pas seulement. Tous les jeunes hommes doivent également s'y plier lorsqu'il s'agit d'accéder à leur nouveau rang qui fera d'eux des adultes et un jour, peut-être, de vrais guerriers respectés et craints d'autant que l'un des chasseurs semble déjà se distinguer – par son adresse et courage – en la personne de Mouna Ruta.

Si la lutte des Seediq Bale n'est pas unique, dans l’histoire des minorités, elle est néanmoins intéressante chaque fois qu'il s'agit de montrer des rapports de force entre ce que l'on croit savoir du monde et ce qu'il recouvre dans la réalité, surtout que cette même réalité, dans notre cas, va soudainement se transformer en un face à face cruel entre deux mondes justement et que tout sépare. Choc culturel et incompréhension mutuelle étant souvent liés, cette rencontre n’est pourtant pas dénuée de réflexions en parlant de civilisation telle qu'on la comprend habituellement. C'est à dire avec ses codes et ses valeurs pour ne pas dire convictions voire croyances et c'est précisément sur ces aspects que ''Warriors of the Rainbow'' va se révéler intéressant en dépit de la tonalité et de la forme que le réalisateur lui a donné mais peut-il en être autrement ?

Aussi, ce qui devait arriver, arriva avec toute la brutalité d'une civilisation conquérante et certaine de sa supériorité – militaire pour le Japon tout du moins – dans un environnement inconnu sauf qu’il n’y a pas que la faune dans une jungle mais des peuples fiers de leur culture et traditions aussi et qui ne comptent certainement pas y renoncer et encore moins se laisser assimiler. Ce qui nous amène à une résistance inévitable et particulièrement farouche des Seediq Bale – montrée dans des scènes d’affrontement d’une violence quasi palpable d’ailleurs et à la limite de la sauvagerie – avant que les armes modernes prennent le dessus avec tout ce qui s’ensuit dans l’humiliation de la défaite et de l’honneur perdu dans l’esclavage des vaincus.

Guerrier sur le fond mais à la plastique soignée, ‘‘Warriors of the Rainbows’’ se regarde comme un récit captivant et même épique, par moment, dans l’écriture scénaristique sauf que dans le développement de ce qui aurait pu prendre le chemin d’un film d’action, le fait de s’attarder sur la traversée d’un peuple dépossédé de son identité – bien que nécessaire pour comprendre la suite – rompt pour une bonne partie l’élan donné initialement au film. Ainsi, existe-t-il un monde au-delà de l’arc-en-ciel où vivent l’esprit des ancêtres et on aura bien compris que ces mêmes esprits – sous les traits du père de notre héros – sont les gardiens de la culture des Seediq Bale jusqu’à venir parler à Mouna Ruta pour le décider à reprendre les armes 30 ans plus tard… Ce qui nous donne une chronologie en trois temps ouvrant sur des combats suivis de larges considérations spirituelles sans oublier des palabres et une conclusion aussi violente que l’introduction. C’est à dire, sanguinolente à souhait et à la manière d’un baroude d’honneur pour un peuple qui a justement vu son honneur foulé au pied alors qu’il s’agissait de le faire entrer dans la civilisation officiellement parlant...

Que dire à l’issue du visionnage qui dure toute de même 2h30 ? Cette première mouture – suivie fort heureusement d’une autre en deux parties et mieux développée – est certes prometteuse sur bien des plans abordés dans le film, indépendamment du traitement cinématographique, mais sans doute aurait-il fallu adopter un angle de lecture plus large d’emblée pour conserver une homogénéité au récit. Au lieu de quoi, cette histoire de colonisation dégage un sentiment de frustration et quelque part d’inachevé quant à montrer une lutte qu’on sait perdue d’avance encore fallait-il laisser une place égale aux Japonais pour exprimer davantage leurs motivations.

Cela n’affectera en rien la trame de l’histoire car dans une guerre, il n’y a pas qu’un seul visage – fut-il héroïque ou hideux – mais bien deux forces contraires et en considérant l’une et l’autre, le réalisateur aurait certainement fait gagner à son film ce supplément d’âme qui fait du combat des Seediq Bale, et plus généralement des minorités, une cause juste pour ne pas dire grande. En l’occurrence, ce très bon film qu’est ‘‘Warriors of the Rainbow’’ peut être regardé comme tel mais, encore une fois, avec cet arrière goût d’inachevé qui entache quelque peu cette réalisation au demeurant superbe.


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