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Nous allons passer en revue les principales plantes tinctoriales utilisées en Corée dans les teintures naturelles. Bien sûr, il en existe beaucoup d'autres, mais celles-ci sont particulièrement d'usage courant actuellement.
Parmi les autres plantes utilisées plus anciennement, on trouve la garance (cf page Quelques plantes tinctoriales d'Europe), source de couleur rouge. Or cette plante, également utilisée en médecine chinoise, a été interdite d'importation et de vente en Corée en 2004, pour raisons médicinales, d'où les difficultés des teinturiers coréens à s'en procurer. (1)
(1) ""Traditional Natural Dyeing" KCDF, Kim Yoon-kyong, Dec. 2012
Polygonum tinctorium
쪽
La teinture indigo à partir des feuilles du polygonum tinctorium fait partie des grandes traditions de la Corée. Elle fut largement pratiquée dans de nombreux villages du sud de la Corée, en particulier la région de Naju, où la présence de la rivière Yeongsan permet une culture abondante de cette plante (Cf page Centre Culturel de Teintures Naturelles de Naju). Cette activité ralentit sous l'occupation japonaise (1910-1945) et disparut pratiquement dans les années 60 (en raison du développement des pigments de synthèse), pour reprendre de l'essor dans les années 70.
On peut donc actuellement voir des champs entiers de polygonum cultivés dans ces régions, et participer à des démonstrations et ateliers de teintures indigo à partir de cette plante.
La tradition du bleu indigo naturel revit, grâce aux efforts des artisans qui ont repris les méthodes ancestrales, et des personnes qui font connaître largement ces techniques.
Cette technique repose sur la fermentation des feuilles de polygonum, et le traitement du bain obtenu par des composants naturels tels que la poudre de coquillages calcinés, et de la cendre de bois,
A savoir que la même plante est utilisée traditionnellement en Chine et au Japon pour teindre en bleu.
Carthame
홍화
En Europe, on connaît davantage cette plante pour ses propriétés de colorant alimentaire, sous le nom de faux safran. Il s'agit plus précisément de carthamus tinctorius, qui ressemble au chardon.
Les fleurs de carthame contiennent des colorants jaunes et rouges, mais ce sont les colorants rouges qui sont traditionnellement utilisés, donnant une gamme allant des roses aux rouges.
Le rouge de carthame obtenu sur soie est particulièrement rayonnant, il était pratiqué en Chine et au Japon, évoquant symboliquement le soleil levant.
En Corée, on cultive le carthame pour la teinture naturelle notamment dans la région de Daegu (sud-est de la Corée). (2)
(2) ""Le monde des teintures naturelles" D. Cardon, Belin
Gardenia Jasminoides
치자
Ce sont les fruits du gardénia qui sont utilisés pour des teintures de jaune.
On peut trouver ces fruits séchés sur les marchés de plantes de Corée, en particulier le grand marché des plantes médicinales de Séoul, puisqu’ils font aussi partie de la pharmacopée chinoise.
Plus précisément il s’agit du gardenia jasminoides, appelé aussi jasmin du Cap, que l’on cultive en Europe pour son côté parfumé et ornemental.
Cette plante est aussi traditionnellement utilisée en Chine et au Japon.
En Chine, c’était la source de la couleur jaune des vêtements réservés à l’Empereur et à sa famille.
La photo suivante (source : Centre Culturel sur les Teintures Naturelles de Naju, été 2015) illustre la couleur jaune obtenue à partir des fruits du gardénia, sur des pièces de tissu lors d'ateliers d'apprentissage aux teintures naturelles.
나주에 천연염색과 관련된 워크샵을
Kakis verts
감
La teinture au jus de kaki vert fermenté, pratiquée en Asie, est une curiosité à découvrir.
Elle existe en Corée et on la trouve aussi au Japon.
Il faut pour cela une variété très spécifique de kakis, qui sont ramassés petits et verts.
Les tons obtenus sont des ocres, allant des couleurs claires aux couleurs plus brunes.
Initialement, cette technique traditionnelle de teinture était très employée sur l'île de Jeju, qui se trouve tout au sud de la Corée.
Les habitants de cette île avaient coutume de teindre leurs vêtements avec ce jus de kaki vert non mûr, appelé 감물 (gammul).
Ces vêtements traditionnels ont pour nom : 갈옷 (garot) ou 갈중이 (galjungi), ils servaient essentiellement aux agriculteurs et aux marins de l’île.
L’origine de cette appellation vient de 감 (kam) qui signifie kaki en coréen et de 옷 (ot) qui signifie vêtement.
On peut couramment rencontrer sur l'île de Jeju des boutiques qui vendent aux touristes toute une gamme de vêtements et d’accessoires teints selon cette tradition.
Comme on le voit sur cette photo (reconstitution, dans un musée de Jéju), les kakis sont très petits.
Ils sont lavés, puis broyés au mortier de bois. Le jus extrait est mis à fermenter.
Les textiles sont alors mis à tremper dans le jus de kaki pendant un certain temps.
Plus tard, ils sont mis à sécher au soleil.
La profondeur de la couleur dépend du séchage au soleil, de la chaleur et de la durée d’exposition.
Avantages exceptionnels de cette teinture :
Grâce à la présence de tanins concentrés dans cette variété de kaki, les textiles ainsi préparés deviennent non seulement imperméables, mais aussi font fuir les insectes et sont aussi antibactériens, chose bien utile pour des marins et des gens de la terre…
Les vêtements deviennent alors imputrescibles, et en outre leur densité augmente leur résistance.
Sur une île où il pleut beaucoup, et en même temps très ensoleillée, de tels textiles qui ne collent pas à la peau quand ils sont humides, c’est le vêtement idéal adopté par la population.
Sans compter qu'ils n'ont pas tendance à froisser.
Partons maintenant au Japon, où cette variété de kaki est également connue pour les mêmes qualités, depuis l’antiquité.
C’est la technique japonaise du kaki-shibu, utilisée non seulement pour les textiles (imperméable, insectifuge, antibactérien), mais aussi pour la peinture au niveau artistique (papiers japonais, bois, …), et même comme remède médicinal. En effet ce kaki-shibu est antioxydant et est utilisé au Japon contre l’hypertension, les engelures et brûlures,…
C’est aussi un désodorisant !
En tant que cultivateurs et utilisateurs de plantes tinctoriales, nous ne pouvions pas passer à côté de ce kaki bienfaisant.
Mais l’expérience nous a confirmé que nos kakis d’Europe ne conviennent pas pour cet usage, et qu’il est nécessaire d’avoir sous la main ces tout petits kakis verts…
Au Centre Culturel sur les Teintures Naturelles de Naju,, en période d'été, le jus fermenté des kakis est utilisé pour teindre de grandes pièces de tissu qui sont ensuite mises à sécher au soleil:
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Grémil des
Teinturiers
자초
Le grémil des teinturiers se différencie du grémil commun (qu’on trouve en Europe) par la couleur rouge violacé de ses racines qui lui confère ses propriétés tinctoriales utilisées depuis des siècles.
On le trouve traditionnellement en Chine, en Corée, et au Japon ; cette plante vivace, de son nom latin Lithospermum erythrorhizon, offre toute une gamme de lilas et de violets qui sont du plus bel effet sur la soie.
Le violet ainsi obtenu était d’ailleurs celui réservé à la famille royale et aux hauts dignitaires de la cour au Japon.
Dans ce pays, la plante est connue sous le nom de murasaki et ses racines sous le nom de shikon.